Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 2.djvu/21

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leur Dieu, protecteur de ceux qui l’adorent, les préserverait de tout péril.

L’arrivée d’Ezra et de sa nombreuse suite à Jérusalem dut y produire une grande sensation. Ils venaient les mains pleines, animés d’un vif enthousiasme et munis de la recommandation royale. La renommée qu’Ezra s’était acquise, comme savant versé dans les Écritures et habile interprète de la Loi, avait sans doute pénétré jusque dans la Judée, et il y fut accueilli avec une grande considération. Dès le début de sa mission d’enseignement, les rigoristes qui avaient blâmé les mésalliances avec les peuples voisins, surtout avec les Moabites et les Ammonites, déférèrent à sa justice les gens de conscience facile qui les avaient contractées. Ezra fut atterré en apprenant pareille chose. Quoi ! des chefs du peuple, des représentants du sanctuaire, s’étaient, au mépris de la Loi, alliés avec des païens ! C’était un péché horrible aux yeux d’Ezra ; selon lui, la race israélite était une race sainte, à qui tout mélange avec des étrangers, eussent-ils renoncé à l’idolâtrie, imprimait une souillure. A son sens, la Loi permettait bien d’accueillir dans la communauté les païens qui adoptaient la doctrine juive, mais elle ne leur conférait pas l’égalité absolue : ils devaient former un groupe distinct et séparé. Ce n’était pas chez lui vain orgueil de race, mais scrupule religieux ; il sentait confusément que l’intrusion, que la fusion intime d’une masse de prosélytes ou de demi prosélytes, qui n’avaient pas subi, comme la postérité d’Abraham, un long travail d’épuration, qui n’avaient pas été éprouvés par le creuset du malheur, pouvait avoir pour conséquence d’y faire prédominer l’élément étranger et de compromettre les biens religieux si chèrement acquis. Cette appréhension le secouait dans tout son être. Saisi de douleur à la nouvelle d’un péché si dangereux et si funeste, commis par une grande partie du peuple, Ezra déchira ses vêtements, s’arracha les cheveux et s’assit à terre dans un morne silence, sans prendre aucune nourriture. Puis il se rendit au parvis du temple, et là, tombant à genoux, il prononça une confession émouvante au nom de ce peuple qui, nonobstant les dures épreuves du malheur, n’avait pas su se corriger et était retombé dans ses anciens égarements.

Cette pathétique oraison, entrecoupée de sanglots et de larmes, fit