Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 2.djvu/266

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médiocre à l’origine, au point de passer presque inaperçu, mais qui, peu à peu, grâce à des circonstances favorables et à la manière dont il s’affirma, acquit un développement assez puissant et une force assez considérable pour imprimer une direction nouvelle à l’esprit humain.

Le temps était venu où les vérités fondamentales du judaïsme, jusque-là le privilège exclusif de quelques penseurs, allaient forcer la barrière qui les retenait captives et se répandre librement dans le monde pour le transformer. Les sublimes conceptions sur Dieu et sur la vie humaine, ces conceptions qui forment l’essence du judaïsme, allaient envahir les autres nations et combler le vide de leurs croyances. Le moment était veau, pour Israël, d’inaugurer sérieusement sa haute mission de précepteur des peuples. Mais, pour pénétrer dans le monde païen, à qui elles étaient si étrangères, les vieilles doctrines sur Dieu et la vie morale de l’homme devaient revêtir de nouveaux noms et d’autres formes. A ce prix seul, elles pouvaient conquérir les esprits, que rebutait le vieux moule judaïque. C’est précisément le fait en question, né sous le gouvernement de Ponce Pilate, qui était appelé à faire participer le monde païen, d’une façon plus intime, aux doctrines du judaïsme. Mais ce fait lui-même, se dénaturant et s’éloignant de son origine, ne tardera pas à former avec elle le plus violent contraste. La religion judaïque, qui avait mis au monde ce rejeton, n’y trouva pas les joies de la maternité, car la fille se détourna bientôt de sa mère pour entrer dans des voies où celle-ci ne pouvait la suivre.

Ce fait nouveau, cette vieille doctrine rajeunie, ou, pour mieux dire, cet amalgame de l’essénisme avec des éléments étrangers, est le CHRISTIANISME, dont la formation et les premiers développements se lient essentiellement à l’histoire judaïque de ce temps-là.

Le christianisme doit son origine à un sentiment obscur, mais puissant, qui dominait alors les couches supérieures de la société judaïque et qui s’accentuent de plus en plus, à mesure que la situation politique leur devenait plus intolérable. Les souffrances incessantes causées par la tyrannie impitoyable des gouvernants romains, par l’impudence des princes hérodiens, par la lâcheté