Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 2.djvu/303

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avez fait des sacrifices en mon honneur ; et que m’importe ? Ce n’est pas pour moi, c’est à moi qu’il fallait les offrir ! Puis, se tournant encore une fois vers eux : Pourquoi ne mangez-vous pas de porc ? Cette question divertit fort les assistants, qu’il égaya encore par d’autres sorties. Je voudrais bien savoir, dit-il enfin, sur quels titres vous fondez vos prétentions à l’égalité ? — Et sans plus attendre, il leur tourna le dos. En congédiant l’ambassade, il ajouta : Ces gens-là me paraissent encore plus sots que méchants, de nier ma divinité !

Pendant que les ambassadeurs suivaient pas à pas le maniaque couronné pour parvenir à placer une parole, une nouvelle terrifiante leur arriva comme un coup de fondre. Un Judéen vint à eux en courant et leur annonça d’une voix brisée par les sanglots : Notre saint temple est perdu, Caligula l’a fait profaner ! En effet, Caligula avait fait ériger ses statues non seulement dans les synagogues, mais dans le sanctuaire même de Jérusalem, et ordonné de briser toute résistance par la force des armes. Le gouverneur de la Syrie, Pétronius, reçut l’ordre d’entrer en Judée avec ses légions et de transformer le sanctuaire judaïque en temple païen. On s’imagine aisément l’épouvante qui saisit la nation à cette grave nouvelle, arrivée à Jérusalem la veille de la fête des Tentes (octobre 40) : l’allégresse fit subitement place à la consternation et à l’accablement. Pétronius avait franchi les frontières de la Judée à la tête de deux légions et était entré à Acco ; mais, vu l’approche des pluies d’automne et prévoyant une résistance désespérée de la part des Judéens, il résolut de remettre au printemps l’exécution des ordres de Caligula. Entre temps, des milliers de Judéens accoururent auprès de lui et protestèrent qu’ils subir raient plutôt mille morts que de consentir à la profanation de leur temple. Pétronius, embarrassé d’exécuter cet édit qu’il trouvait lui même insensé, s’aboucha avec les conseillers du roi Agrippa et les pria d’engager le peuple à montrer plus de condescendance. Sur l’avis des plus notables Judéens, Pétronius exposa la situation à l’empereur, espérant le fléchir. Il calma le peuple en lui assurant qu’il ne voulait rien entreprendre avant d’avoir reçu de nouveaux ordres, et en l’exhortant à cultiver la terre s’il voulait éviter la famine.