Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 2.djvu/329

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Les Judéens de langue grecque, qui ignoraient Ies développements donnés à la Loi dans les écoles de Jérusalem, et qui n’avaient, d’ailleurs, presque aucune notion de la Loi elle-même, commettaient sans doute mainte infraction, volontaire ou irréfléchie, aux prescriptions religieuses. Pris sur le fait et sommés de s’expliquer, ils paraissent avoir, avec leur manie ergoteuse et leur goût pour la chicane, essayé de légitimer leur conduite antireligieuse en invoquant leur foi dans la messianité de Jésus, qui, lui aussi, disait-on, s’était placé au-dessus des règles. Mais à Jérusalem, la ville sainte par excellence, on ne plaisantait guère avec les lois et les coutumes. On commença à soupçonner les Nazaréens de vouloir introduire des réformes et de pousser au mépris de la Loi. On se mit à observer les partisans de Jésus et à écouter leurs propos dans les synagogues, dans les marchés et sur les places publiques. Le plus farouche adversaire des Nazaréens était Saul de Tarse[1], fanatique adepte de la doctrine pharisaïque et qui, comme tel, tenait la Loi tout entière, écrite et orale, pour sacrée et inviolable. Parlant également le grec, il pouvait mesurer la portée des prédications judéo-chrétiennes à Jérusalem, et il en était outré. Un de ces judéo-chrétiens, nommé Stéphanos (Étienne), était allé plus loin que les autres et s’était prononcé sans ménagement contre la sainteté de la Loi et du temple. Saul paraît l’avoir dénoncé comme blasphémateur et Étienne fut lapidé, sans qu’on puisse dire si ce fut par ordre du tribunal ou par la fureur populaire. A partir de cette époque, les soupçons redoublèrent contre les Nazaréens, qui se virent étroitement surveillés ; ce fut encore Saul qui pénétra dans leurs maisons pour les épier, les accuser et les faire passer devant les tribunaux. Les inculpés furent jetés en prison. Ceux qui, à l’interrogatoire, étaient reconnus coupables d’avoir parlé ou agi contre la Loi en se réclamant de Jésus étaient condamnés, non à la peine capitale, mais à celle de la flagellation. Effrayés de cette sévérité, les Nazaréens étrangers à la ville s’enfuirent, se dispersèrent de tous côtés et se réfugièrent dans des villes grecques renfermant des communautés judaïques, pour y continuer leur propagande. Toutefois, les seuls Nazaréens de langue grecque furent persécutés : les membres indigènes de la secte qui, malgré leur nouvelle foi, ne niaient pas l’autorité permanente

  1. Sur saint Paul, voir l'excellent ouvrage de ce nom par M. Hippolyte Rodrigues (les seconds chrétiens), Paris, 1876.