Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 2.djvu/337

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l’Écriture. Il alla plus loin encore et prétendit inférer de la Bible que quiconque est sujet de la Loi et ne la pratique pas dans toute sa rigueur est atteint par la malédiction. Ce fut précisément le mérite de Jésus d’avoir racheté les hommes de cette malédiction, en abolissant la Loi.

Les Judéens devaient-ils écouter, pouvaient-ils supporter ces paroles scandaleuses, ces outrages publics à la Loi du Sinaï, à cette Loi pour laquelle leurs ancêtres avaient souffert mille morts, pour laquelle eux-mêmes, tout récemment, sous le règne de Caligula, avaient exposé leur vie ? Il ne faut pas s’étonner s’ils furent tous ulcérés contre Paul et s’ils le poursuivirent là où ils en avaient le pouvoir. Encore, lorsque Paul tomba entre leurs mains, se bornèrent-ils à le condamner aux verges, sans menacer sa tète : il raconte lui même avoir été cinq fois flagellé de quarante coups moins un. Mais les Judéens n’étaient pas seuls à lui en vouloir : les Nazaréens ou judéo-chrétiens n’étaient pas moins indignés de ses attaques contre la Loi, et c’est ainsi qu’un schisme se forma au sein du christianisme naissant. Pierre ou Céphas (Kêpha), apôtre des Judéens exclusivement, prêchait un christianisme bien différent de celui de Paul et d’autres prédicateurs des gentils ; Apollos d’Alexandrie et un certain Chrestos enseignaient encore d’une autre manière. Les judéo-chrétiens voyaient avec terreur les fruits de la liberté évangélique prêchée par Paul. Dans les communautés qu’il avait fondées à Éphèse et à Corinthe, beaucoup de ses néophytes, rejetant avec le joug de la Loi celui de la pudeur, se livraient à la débauche, à l’ivrognerie[1] ; voire à la pédérastie ; un d’entre eux vivait en concubinage avec la femme de son père. Aussi des apôtres judéo-chrétiens se mirent-ils en campagne sur les pas de Paul[2], proclamèrent partout que sa doctrine n’était qu’erreur et imposture, que la loi judaïque liait également les chrétiens et qu’elle seule, en effet, peut mettre un frein aux appétits matériels. La question de savoir si la circoncision était obligatoire pour les païens néophytes donna lieu à de violents débats entre Paul et les apôtres judéo-chrétiens. A Antioche notamment, ce fut une lutte acharnée. Pierre, qui jusqu’alors avait fait bon marché des lois alimentaires et partagé sans scrupule les repas des nouveaux chrétiens, dut céder aux

  1. re Épître aux Corinthiens, V, 1, 9, 11 ; VI, 9 ; VII, 2 ; X, 8 — Épître aux Éphésiens, V, 3.
  2. Épître aux Galates, I, 6 ; IV, 17 ; V, 10.