Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 2.djvu/401

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

légion ; Larcius Lepidus, chef de la Xe ; Tittius Frugi, chef de la XVe ; Haternus Fronto, qui avait sous ses ordres une partie de la IIIe ; enfin Marc Antoine Julien, procurateur de la Judée, plus quelques tribuns et autres officiers. Quelques-uns émirent l’avis qu’il fallait détruire ce temple, foyer de révoltes incessantes. Titus, au contraire, se prononça nettement pour la conservation de l’édifice : c’était la princesse Bérénice qui parlait par sa bouche. Alexandre, Céréalis et Fronto ayant opiné dans le même sens, il fut décidé qu’on s’emparerait du temple, mais sans le détruire.

Le lendemain (9 ab), les Judéens firent une nouvelle sortie ; mais, accablés par le nombre, ils durent battre en retraite. Enfin sonna l’heure suprême de la chute, cette heure qui a laissé dans la mémoire de la nation judaïque un éternel souvenir de deuil. Le 10 ab (août), les assiégés tentèrent une nouvelle sortie contre les Romains, mais ils furent repoussés et poursuivis. Dans le désordre de cette poursuite, un Romain saisit un tison enflammé et, se hissant sur l’épaule d’un de ses compagnons, le lança par la fenêtre dorée dans l’intérieur du temple. Le bois des galeries prit feu ; l’incendie se propagea rapidement et envoya bientôt vers le ciel ses jets enflammés. A cette vue, les plus résolus reculèrent découragés. Titus accourut avec ses soldats : toute résistance avait cessé. Il ordonna aussitôt d’éteindre le feu, mais sa voix ne fut pas écoutée. Les soldats romains se précipitèrent avec furie à l’intérieur du temple, pillant et incendiant, et massacrant tous ceux qui ne s’étaient pas enfuis. Titus lui-même, poussé par la curiosité, pénétra dans le Saint des Saints et le contempla avec admiration, jusqu’à ce que la fumée le forçât de s’éloigner. Une légende hostile va jusqu’à l’accuser d’avoir, à cette heure même, en plein sanctuaire, sur un rouleau de la Thora, caressé sa maîtresse !

Bientôt les guerriers judaïtes reprirent l’offensive, et une dernière lutte s’engagea sur le théâtre même de l’incendie. Les cris de victoire des Romains, les gémissements des Judéens témoins de cette dévastation, le sifflement des flammes faisaient trembler le sol et agitaient les airs ; l’écho portait aux montagnes le contrecoup de la chute du temple, et les flammes qui rougissaient le ciel apprenaient aux Judéens d’alentour que tout espoir était perdu.