Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 2.djvu/404

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il les envoya à Rome, chargés de fers, comme des otages devant lui garantir la fidélité du roi d’Adiabène. Tous ceux qui furent reconnus ou dénoncés comme ayant pris part à la lutte furent mis en croix, sur l’ordre de Fronto. Les survivants durent envier leur sort. En effet, 17.000 d’entre eux moururent de faim, tant on leur mesurait la nourriture avec parcimonie. Une partie des prisonniers refusèrent d’accepter des Romains le moindre aliment, aimant mieux périr d’inanition. Parmi ceux qui survivaient, Fronto choisit les plus beaux jeunes gens pour orner le triomphe du général ; de ceux qui étaient âgés de plus de dix-sept ans, une partie fut envoyée en Égypte pour y travailler à perpétuité dans les mines au compte des Romains, comme naguère les prisonniers de Galilée avaient été employés aux divers travaux de l’isthme de Corinthe. La plupart des jeunes gens furent répartis entre les provinces pour jouer leur vie dans les cirques. Les plus jeunes et les femmes furent vendus à l’encan, et, vu leur grand nombre, cédés aux marchands d’esclaves à des prix dérisoires. C’est ainsi que les fils et les filles de Sion furent dispersés dans l’empire romain pour y gémir esclaves. Que de souffrances durent subir ces infortunés.

Une scène, dont le souvenir est parvenu jusqu’à nous, en donnera une idée. Un jeune homme et une jeune fille de noble origine étaient échus en partage à deux maîtres, et comme ils étaient tous deux d’une remarquable beauté, ceux-ci résolurent de les marier ensemble. Un soir, on les réunit dans la même chambre. Là, jeune homme et jeune fille pleurèrent ensemble sur leur triste sort : eux, nobles enfants de Judée, être contraints de s’accoupler comme de vils esclaves ! Lorsque l’obscurité se dissipa, les jeunes gens se reconnurent : ils étaient frère et sœur ! et l’âme pleine à la fois de joie et de tristesse, ils expirèrent dans les bras l’un de l’autre. — Une seule consolation restait aux malheureux captifs, c’était l’espoir d’être vendus à un maître habitant une ville où se trouvât une communauté judaïque. Dans ce cas, en effet, ils pouvaient compter avec certitude qu’ils seraient rachetés à tout prix par leurs coreligionnaires et qu’ils trouveraient auprès d’eux un accueil fraternel. Vespasien déclara la Judée sa propriété privée et ordonna aux fonctionnaires romains de la vendre par lambeaux au plus offrant