Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 2.djvu/72

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Philistins, Phéniciens, Iduméens et même les colons gréco-macédoniens, tout cela donnait à lui et à son entourage un certain sentiment de leur valeur, et au peuple en général une attitude moins humble vis-à-vis de ses voisins. Les Judéens, au moins ceux de Jérusalem, sentaient leurs idées s’élargir au contact des Grecs, et ils voyaient les choses de la vie d’un autre œil qu’ils ne faisaient précédemment dans leur petite sphère. L’influence du goût raffiné des Grecs fut la première qu’ils subirent. Ils bâtirent leurs maisons avec plus d’élégance ; la peinture aussi fut accueillie avec faveur. Les Judéens d’Alexandrie, qui depuis un siècle déjà frayaient avec les Grecs et s’étaient eux-mêmes grécisés extérieurement, exerçaient de l’influence sur les coreligionnaires qu’amenaient chez eux les relations de Joseph avec la cour. Mais cette subite métamorphose produisit aussi une fâcheuse altération dans la simplicité de leurs mœurs.

Les pluies d’or ne sont point bienfaisantes : elles ne fécondent pas, elles ravagent et démoralisent. Les riches parvenus ne surent pas garder leur équilibre. Ce qu’il y a eu de pis, ce n’est pas qu’ils aient servi Mammon, qu’ils aient préféré les affaires d’argent à toute autre industrie, — c’est qu’ils sont devenus les admirateurs et les copistes des Grecs, qu’ils se sont évertués à imiter jusqu’à leurs vices et leurs mœurs légères et ont fait litière des vertus de leur propre race. Les Grecs adoraient la sociabilité, les repas pris en commun, la gaieté immodérée dans les réjouissances. Quand les Judéens, à leur exemple, s’habituèrent à banqueter ensemble, à manger non plus assis, mais couchés trois par trois sur des lits de repos, à introduire sur leurs tables le vin, la musique, les chansons et la joie, ce n’était encore qu’une imitation innocente. Mais on ne s’en tint pas là, et la folie les entraîna de plus en plus dans son tourbillon. Le fils de Tobie fréquentait volontiers la cour de Ptolémée Philopator, lorsque ses affaires l’appelaient à Alexandrie ; or, cette cour était un cloaque d’impureté. Les jours s’y passaient en festins joyeux, les nuits en cyniques débauches. La licence marchait sans voile, gagnait le peuple et l’armée. Philopator s’était mis en tête cette idée bizarre que ses ancêtres descendaient de Dionysios (Bacchus), le dieu du vin ; par suite, il regardait comme un devoir religieux de s’adonner à l’ivrognerie et à ses conséquences