Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 4.djvu/112

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ils tombaient entre les mains des croisés, qui les épiaient, et étaient condamnés à choisir entre le baptême et la mort.

irrité de l’intervention bienveillante des prélats en faveur des Juifs, le moine Rodolphe engagea les croisés à désobéir aux évêques. Ses conseils ne furent que trop bien suivis. L’archevêque de Mayence, Henri Ier, chancelier de l’empire, ayant donné asile dans son palais à quelques Juifs poursuivis par la populace, celle-ci pénétra dans la demeure archiépiscopale et les massacra sous ses propres yeux. L’archevêque fit connaître ce fait à saint Bernard et lui demanda d’essayer de réprimer ces excès. L’abbé de Clairvaux publia alors un mandement dans lequel il appelait le moine Rodolphe un fils indigne de l’Église, rebelle envers le supérieur de son couvent, désobéissant aux évêques, et prêchant le meurtre, contrairement aux lois de sa religion. Il ajoutait qu’il était indispensable de ne pas maltraiter les Juifs, parce que l’Église demande leur conversion dans une prière spéciale du vendredi saint. Or, dit-il, il est impossible de les convertir, s’ils sont tous tués. Ce mandement fut adressé aux ecclésiastiques et aux chrétiens de France et de Bavière.

D’abord le moine Rodolphe résista aux injonctions de saint Bernard et continua son œuvre de destruction, mais il dut céder à la fin devant l’énergie de l’abbé de Clairvaux, et bientôt il disparut de la scène. Malheureusement, les germes malfaisants qu’il avait semés continuaient à se développer en son absence et à produire leurs fruits empoisonnés. On ne cessa pas de massacrer des Juifs à toute occasion. Un jour, on trouva, près de Würzburg, le cadavre d’un chrétien. Des Juifs seuls, disait-on, peuvent avoir commis ce crime, et immédiatement on se rua sur la communauté de Würzburg (24 février 1147). Plus de vingt Juifs, entre autres le rabbin Isaac ben Eliakim, furent mis à mort. D’autres furent tellement maltraités qu’on les crut morts. Quelques chrétiens compatissants les relevèrent du milieu des cadavres et leur prodiguèrent les soins nécessaires. Ému de pitié, l’évêque de Würzburg fit transporter les cadavres des martyrs dans son palais et les enterra dans son jardin.

Quand l’empereur Conrad, après avoir pris la croix avec ses chevaliers et la plus grande partie de son armée, eut quitté l’Allemagne,