Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 4.djvu/119

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il était versé dans les sciences profanes comme dans les sciences religieuses. Il avait néanmoins un défaut capital, il manquait de fermeté dans ses opinions. Versatile et léger, tantôt il combattait le caraïsme. tantôt il lui faisait des concessions. Sa polémique était acerbe ; il cherchait moins, dans ses discussions, à trouver la vérité qu’à blesser son adversaire. C’était un esprit négatif, l’antithèse de Juda Hallévi, dont il était, dit-on, proche parent.

On peut dire qu’Ibn Ezra (c’est ainsi qu’à tort on a pris l’habitude de l’appeler) réunissait en lui les plus vifs contrastes. À un esprit net, perspicace et hardi, il joignait une foi rigoureuse, qui dégénérait parfois en fanatisme et lui faisait condamner tout libre examen. Sa froide raison, qui recherchait la cause de tout phénomène, ne l’empêcha pas de fonder une doctrine mystique qui laisse tout dans le vague. Confiant en Dieu et le considérant comme seul maître de sa destinée, il ne croyait pas moins à l’influence fatale des astres sur le sort des hommes. Ces contradictions ont coexisté chez lui pendant toute sa vie.

Tout en sachant se servir avec habileté des diverses formes de la prosodie arabe et néo-hébraïque, Ibn Ezra n’était pas poète. Ses productions poétiques sont savantes, correctes, mais froides et guindées. Ce sont des pensées, des sentences, des exhortations exprimées en vers, mais il n’y a là rien qui rappelle l’effusion d’une lime ardente ou la foi d’un cœur ému. Il ne retrouve toute sa supériorité que dans les épigrammes, les satires, les énigmes. Dans la prose, il est sans rival ; il s’est créé un style à part, d’une concision et d’une énergie singulières.

Comme commentateur de la Bible, Ibn Ezra occupe le premier rang. Il était spécialement doué pour l’exégèse. En commentant les Saintes Écritures, il pouvait utiliser sa vaste érudition et exercer son imagination capricieuse, sans être astreint à enchaîner ses pensées d’une façon logique. Son esprit mobile et inquiet était, en effet, incapable de produire une œuvre complète et systématique. Ses explications du Pentateuque forment une sorte d’encyclopédie où il parle de tout. Sa langue est vive, spirituelle, souvent obscure.

Par son commentaire du Pentateuque, Ibn Ezra devint le chef