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linguistiques. Ses erreurs mêmes furent utiles à ses successeurs.

Par ses attaques contre le caraïsme, Saadia se créa de nombreux ennemis. Auparavant, les caraïtes pouvaient porter impunément des coups au judaïsme talmudique, sans craindre aucune riposte. Aussi étaient-ils fort irrités de se voir attaqués à leur tour, et ils cherchèrent naturellement à rendre coup pour coup. De là, entre les rabbanites et les caraïtes, une lutte très ardente, qui eut cet excellent résultat de réveiller dans les deux camps l’intérêt pour les études bibliques. Un des principaux antagonistes caraïtes de Saadia fut Salmon ben Yeruham (Ruhaïm), né à Fostat en 885 et, par conséquent, âgé seulement de quelques années de plus que Saadia. D’autres caraïtes encore étaient entrés dans l’arène. Mais Saadia était toujours prompt à la riposte, se défendant avec vigueur et maintenant victorieusement tous ses arguments.

Grâce à sa vaillante polémique et à ses nombreux écrits, Saadia fut bientôt connu dans les communautés juives du khalifat de l’Afrique et de l’Orient. Sa réputation était surtout très grande dans la ville où résidait le gaon, à Sora.

À ce moment, la situation de l’académie de Sora était déplorable. En l’absence de savants, l’exilarque David ben Zakkaï avait dû placer à la tête de cette école un simple tisserand du nom de Yom Tob Kahana ben Jacob. Celui-ci était en fonctions depuis deux ans quand il mourut (928). Sur les conseils de Kohen-Cédék, gaon de Pumbadita, qui avait surtout en vue le développement de son école, l’exilarque résolut alors de laisser tomber complètement l’académie de Sora, d’en faire venir les membres restants à Pumbadita et de nommer un gaon honoraire de Sora qui aurait son siège à Pumbadita. Le fils d’un gaon de Pumbadita, du nom de Nathan ben Yehudaï, venait d’être revêtu de cette nouvelle dignité quand il mourut subitement. Pour les contemporains, la fin soudaine du gaon honoraire était un avertissement du ciel, c’était Dieu lui-même qui proclamait ainsi la nécessité de maintenir l’ancienne et vénérable académie de Sora. L’exilarque revint alors sur sa première décision et consentit à nommer de nouveau un gaon à Sora même.

Deux candidats étaient en présence, Saadia et une autre personne, peu connue, mais d’ancienne noblesse, et qui s’appelait Cémah ben