Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 4.djvu/134

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Après son abdication, et sous le règne de son fils Philippe-Auguste, qui lui succéda en 1179, les Juifs furent aussi traités d’abord avec équité, et quand l’archevêque de Sens fit des remontrances à ce sujet, il fut exilé. Mais plus tard, pour des raisons politiques ou plutôt fiscales, les sentiments de Philippe-Auguste à l’égard des Juifs se modifièrent totalement.

Quoique souverain de la France et suzerain du roi d’Angleterre, Philippe-Auguste ne possédait en propre que peu de territoires. Il n’avait que l’Île-de-France avec quelques enclaves. Tous ses efforts tendaient à agrandir son domaine et à rendre réelle sa suzeraineté sur les grands barons. Pour atteindre son but, il avait besoin d’argent et de soldats. C’est alors qu’il chercha le moyen de s’emparer des richesses des Juifs de France. Il fallait des prétextes pour les dépouiller, mais ils étaient faciles à trouver ; le roi n’avait qu’à prêter l’oreille aux calomnies répandues contre les Juifs. Ceux-ci n’étaient certes pas les seuls à faire le commerce d’argent, et même peu d’entre eux avaient les ressources nécessaires pour ce commerce. Néanmoins, Philippe-Auguste les accusa tous et n’accusa qu’eux d’être usuriers. Il feignit aussi de croire qu’ils étaient capables de tous les crimes, tout ou n’ajoutant certainement pas foi à cette fable ridicule qu’ils égorgeaient des enfants chrétiens pour célébrer leur fête de Pâque. Mais c’étaient là, pour lui, des motifs plausibles pour justifier sa mainmise sur leur fortune. Un jour de sabbat, encore du vivant de son père,- il fit arrêter tous les Juifs de son territoire, et, sans formuler contre eux aucune accusation précise, il les fit jeter en prison (19 janvier 1180) ; il ne leur rendit la liberté que contre une rançon de 1.500 marcs d’argent. Dans la même année, il déclara annulées toutes leurs créances sur les chrétiens, mais il obligea les débiteurs à payer au fisc un cinquième de leurs dettes. Un peu plus tard, non content d’avoir réduit les Juifs à la mendicité, il leur enjoignit de quitter le royaume en 1181 ; ils devaient tous partir entre avril et la Saint-Jean. Ils ne pouvaient emporter que leurs biens mobiliers, s’il leur en restait encore après la spoliation dont ils venaient d’être victimes ; les champs, vignes, granges et autres immeubles devaient revenir au roi.

Comtes, barons et évêques intervinrent auprès du roi pour l’engager