Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 4.djvu/136

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En réalité, dans sa conduite à l’égard des Juifs, Philippe-Auguste ne s’inspirait que de son propre intérêt. Il les considérait comme des éponges, auxquelles il faut laisser le temps de se ronfler, pour pouvoir ensuite les presser avec succès. Les Juifs de France perdirent sous Philippe-Auguste un des droits les plus précieux de l’homme, ils furent privés de leur liberté. Autrefois ils pouvaient se fixer, comme les chevaliers, sur un point quelconque du territoire ; Philippe-auguste les attacha comme des serfs à la glèbe. Ils quittaient furtivement la terre où ils étaient établis, ils y étaient réintégrés de force ou le seigneur leur enlevait leurs biens. Du reste, ils n’avaient plus le droit de rien posséder. La fortune des Juifs appartient au baron, était alors un principe admis dans tout le nord de la France. Le Juif n’était plus qu’un domaine productif, qu’on appréciait en proportion de son revenu. C’est ainsi qu’un noble vendit à la duchesse de Champagne ses biens et ses Juifs.

En Angleterre et sur les territoires français dépendant de la couronne d’Angleterre, les Juifs vivaient depuis un siècle dans une parfaite sécurité. Fixés surtout dans les grandes villes, ils y avaient acquis des richesses considérables. À Londres, des Juifs habitaient de magnifiques palais. Aux deux premières croisades, les excitations contre les Juifs ne trouvèrent aucun écho auprès des placides insulaires. Bien des Anglais embrassèrent même alors le judaïsme. Il existait une communauté juive composée tout entière de prosélytes.

À la tête des communautés juives d’Angleterre se trouvaient des rabbins français. Ainsi, les Juifs de. Londres avaient pour chef religieux Jacob d’Orléans, disciple de Jacob Tam, et tossafiste célèbre.

La situation des Juifs serait restée prospère sous le règne de Richard Cœur de Lion, fils de Henri II, prince bon et chevaleresque, sans le fanatisme de quelques prélats. Leurs souffrances commencèrent le jour du couronnement de Richard (3 sept. 1189). À son retour de l’église où il avait été couronné, Richard, parmi les nombreuses députations qui venaient lui présenter leurs hommages, reçut également une délégation des Juifs anglais. À la vue des magnifiques présents, que cette délégation offrait à Richard,