Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 4.djvu/139

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subi des persécutions pendant les deux premières croisades, mais l’empereur Henri II, d’abord, et ensuite Conrad III étaient intervenus avec énergie en leur faveur. Comme on le sait déjà, cette intervention coûta cher aux Juifs, ils la payèrent de leur liberté.

Cependant, tout en étant devenus serfs de la chambre impériale, les Juifs d’Allemagne possédaient encore au XIIe siècle quelques droits personnels ; ils pouvaient porter les armes, se battre en duel, etc. Pendant le siège de Worms, ils se joignirent aux chrétiens pour défendre la ville ; les rabbins leur avaient même permis de se battre le samedi. Ils avaient également leur juridiction particulière, et parfois ils étaient appelés à des emplois élevés. Le vaillant due Léopold d’Autriche, qui avait fait prisonnier le roi Richard Cœur de Lion, faisait gérer ses finances par un Juif, nommé Salomon. Mans la Silésie, des Juifs possédaient, aux environs de Breslau, des villages avec leurs serfs. Mais, à mesure que se propageait la défense faite aux Juifs de posséder des serviteurs chrétiens, ils étaient obligés d’abandonner leurs terres, de se retirer dans les villes et de s’occuper exclusivement de commerce et de banque. La calomnie qui attribuait aux Juifs l’usage de se servir à Pâque de sang chrétien trouva également créance en Allemagne, et toutes les fois qu’on découvrait un cadavre chrétien, les Juifs furent accusés de ce meurtre. Cependant, les Juifs aussi étaient compris dans la trêve que, sur l’ordre de l’empereur Frédéric Barberousse, parti pour la Terre Sainte, ses sujets devaient observer les uns envers les autres. Avant son départ, le souverain allemand avait surtout recommandé aux ecclésiastiques et aux moines de ne pas exciter le peuple contre les Juifs. Ses ordres furent peu suivis, et sous son règne, ainsi que sous celui de ses successeurs, les Juifs d’Allemagne furent souvent persécutés.

Fait à coup sûr remarquable, l’Allemagne produisit à cette époque un poète juif qui écrivit ses vers dans la langue du pays, un minnesaenger, admis dans le cycle des maîtres chanteurs de l’Allemagne ; il s’appelait Süsskind de Trimberg.

En Italie, les Juifs n’eurent pas à subir de persécutions à cette époque. Le pape Alexandre III leur était favorable, et son administrateur des finances était le juif Yehiel ben Abraham, de la