Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 4.djvu/146

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menacé d’un complet morcellement. C’est alors que parut Moïse Maïmonide. Il devint le guide des Juifs de l’Orient et de l’Occident, et, sans être revêtu d’aucune dignité officielle, il acquit une autorité toute-puissante sur le judaïsme entier.

Moïse ben Maïmoun, appelé en arabe Abou Amram Mousa Maïmoun Obaïd Allah, naquit le 30 mars 1135 dans la ville de Cordoue. Son père, qui descendait d’une famille où la science talmudique était cultivée avec succès depuis de nombreuses générations, était membre du collège rabbinique de Cordoue. Savant talmudiste, Maïmoun était également habile mathématicien et astronome. Il inspira à son fils, dès l’enfance, un amour passionné pour la science et des sentiments d’une élévation et d’une noblesse remarquables. Moïse avait treize ans quand les Almohades conquirent Cordoue (1148) et obligèrent les Juifs et les chrétiens de cette ville à choisir entre l’islamisme, l’émigration ou la mort. Sa famille émigra avec la plus grande partie de la communauté ; on croit qu’elle s’établit à Almeria. Trois ans plus tard, cette ville tomba également au pouvoir des Almohades, et les habitants juifs furent sans doute contraints, comme leurs coreligionnaires de Cordoue, de se faire musulmans ou d’émigrer. Moïse, avec sa famille, mena ainsi pendant quelques années une existence errante et malheureuse, et c’est au milieu de ces épreuves qu’il atteignit l’âge de l’adolescence.

Grâce à d’excellents maîtres et à ses relations avec des savants, Maïmonide acquit un grand fonds de connaissances, fortifia sa raison et l’habitua à essayer de se rendre compte des phénomènes du monde visible et invisible, à chercher partout la lumière et la vérité, et à repousser ce qui paraissait obscur ou mystérieux. Esprit logique et systématique, il aimait l’ordre et la clarté, et il mérite d’être surnommé l’Aristote juif. Son admiration pour le philosophe de Stagire était, du reste, très grande, et mieux que nul autre juif ou musulman — les chrétiens comprenaient alors très peu Aristote — il sut pénétrer et s’approprier ses conceptions originales sur le monde.

À côté de sa science si vaste, Maïmonide possédait un caractère d’une rare élévation, il était un sage dans la plus belle acception du mot. Chez lui, le savoir, la volonté, la foi et les actes s’étaient