Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 4.djvu/157

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certaines lois, à des expédients, Maïmonide devait nécessairement s’écarter parfois de la méthode talmudique pour suivre une voie nouvelle. Il est surtout un point important pour lequel il s’est placé au-dessus du Talmud. Comme il voulait exposer la législation juive dans toutes ses parties et montrer les rapports des éléments bibliques avec les éléments talmudiques, il a été amené à fixer rigoureusement les lois prescrites par la Bible. Ii a donc composé un traité spécial où il a énuméré les lois bibliques et qui complète son grand ouvrage. Dans ce traité, comme dans son code, il établit en principe qu’il ne faut pas considérer comme biblique tout ce que le Talmud désigne comme tel ou fait découler du texte sacré par une des treize règles de déduction, mais seulement ce qui est reconnu comme tel par une tradition certaine. Il faut reconnaître qu’appliqué dans toutes ses conséquences le principe posé par Maïmonide aurait tout simplement pour effet d’ébranler le judaïsme talmudique. Et cependant, en réalité, Maïmonide plaçait ce judaïsme talmudique au-dessus de tout ; les docteurs du Talmud étaient, pour lui, des autorités incontestées, prenant rang immédiatement après les prophètes, et qu’il considérait comme des modèles de piété et de vertu.

Par son code, Maïmonide a certainement assuré au judaïsme rabbinique un solide point d’appui, mais, d’un autre côté, il l’a embarrassé d’entraves très gênantes. Il a transformé en lois immuables bien des opinions qui, dans le Talmud, étaient vagues et prêtaient à interprétation. De même qu’en introduisant dans le judaïsme des articles de foi, il limitait la liberté de penser, de même il immobilisait la législation juive par la codification définitive des lois. Sans tenir compte des circonstances particulières qui avaient donné naissance à certaines décisions talmudiques, il rendait ces décisions obligatoires pour tous les temps et dans toutes les situations. Sous ce rapport, il se montrait plus rigoureux que les tossafistes, qui atténuaient souvent la trop grande sévérité d’une loi talmudique en déclarant, après un examen attentif des raisons qui l’avaient fait adopter, qu’elle n’était plus applicable à leur époque, toute différente des temps antérieurs. Si le code de Maïmonide avait conquis définitivement la suprématie, comme on pouvait le croire d’abord, et éliminé totalement le Talmud des