Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 4.djvu/161

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

lui, le corps se décompose et se dissout totalement après la mort, et l’âme seule s’élève jusque dans les régions éthérées. Une pareille doctrine étant contraire au Talmud, on contestait l’orthodoxie de Maïmonide, qu’on accusait de modifier et de fausser certaines opinions talmudiques. Samuel ibn Ali fut soutenu dans ses attaques contre Maïmonide par Mar-Zakaria, talmudiste fanatique d’Alep. À toutes les agressions et à toutes les intrigues, le sage de Fostat n’opposa que la plus dédaigneuse indifférence.

Malgré la guerre que lui faisaient Ibn Ali et ses partisans, malgré les occupations absorbantes que lui imposait sa profession de médecin, Maïmonide parvint à terminer vers 1190 son traité de philosophie religieuse, qu’il intitula Moré Neboukhim ou Guide des Égarés. Cette œuvre a une grande importance non seulement au point de vue particulier du judaïsme, mais aussi pour l’histoire générale de la philosophie du moyen âge. Elle forme le point culminant des travaux de Maïmonide, qui y expose la justification de ses plus intimes convictions. Au premier abord, ce livre si remarquable parait être un recueil de dissertations, écrites par Maïmonide sur diverses questions importantes, pour dissiper les doutes de son élève favori Joseph Almoghrebi, de Fez. Mais en réalité, Maïmonide a composé son Guide pour son propre usage, afin de rendre claire à son esprit la conception philosophique de l’univers et montrer la place qu’y occupe le judaïsme.

Pour Maïmonide, la philosophie d’Aristote, telle qu’elle avait été exposée par le mahométan Ibn Sina, était l’expression de la vérité même, il croyait également avec une conviction absolue à la vérité du judaïsme. D’après lui, cette philosophie et la religion juive ont le même point de départ et conduisent vers le même but : elles admettent toutes les deux un Dieu unique, maître souverain de la création, et elles placent la perfection humaine dans la connaissance de soi-même. Or, si la vérité que l’homme découvre à l’aide de sa raison et la révélation promulguée par Dieu sur le Sinaï se ressemblent dans leur origine et leur fin, elles doivent nécessairement se ressembler aussi dans toutes leurs parties et arriver par des voies différentes à un résultat identique. Il est impossible que la philosophie et la religion se contredisent, car elles émanent toutes les deux de l’esprit divin. La vérité révélée par Dieu est