Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 4.djvu/173

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VI, comte de Toulouse et de Saint-Gilles, surnommé par les troubadours du temps le bon Raimond, était en butte à ses tracasseries autant comme ami des Juifs que comme protecteur des Albigeois. Entre autres crimes, le pape lui reprochait d’avoir des fonctionnaires juifs. Humilié, flagellé et conduit tout nu à l’Église, la corde au cou, par Milon, légat du pape, Raimond dut confesser ses péchés en public et jurer, entre autres, de renvoyer tous ses fonctionnaires juifs (1209). Treize barons, accusés, comme Raimond VI, de se montrer favorables envers les Albigeois et les Juifs, furent également contraints de jurer qu’ils renverraient leurs fonctionnaires juifs et n’en nommeraient plus jamais.

Ailleurs encore, les Juifs furent englobés dans les persécutions dirigées contre les Albigeois. Ainsi, quand, sur l’ordre du pape, l’abbé de Cîteaux, Arnaud-Amauri, et l’ambitieux comte Simon de Montfort marchèrent contre Raimond-Roger, vicomte de Béziers, qui était haï non seulement parce qu’il protégeait les Albigeois, mais aussi parce qu’il favorisait les Juifs, les croisés prirent Béziers d’assaut et, au nom de leur Dieu, y mirent tout à feu et à sang. Nous n’avons tenu compte, écrivit Arnaud au pape, ni du sexe, ni de l’âge ; prés de vingt mille personnes sont tombées sous nos coups. Après le massacre, on a pillé et brûlé la ville ; la vengeance divine a sévi sur Béziers d’une façon vraiment miraculeuse. On avait demandé à Arnaud comment on distinguerait les hérétiques des fidèles : Tuez-les tous, avait-il répondu, Dieu reconnaîtra les siens. Dans ce carnage, deux cents Juifs périrent et un grand nombre furent faits prisonniers. Aussi, l’année où le pape prêcha la croisade contre les Albigeois est-elle désignée chez les Juifs comme année de deuil.

Grâce à sa victoire diplomatique sur Raimond, de Toulouse, et à sa victoire militaire sur Raimond-Roger, de Béziers, l’Église triomphait non seulement dans le Midi, mais aussi dans les autres parties de la France. Innocent III possédait maintenant l’omnipotence temporelle et spirituelle. Les hérétiques étaient massacrés, l’indépendance d’esprit était condamnée comme criminelle. On brûlait à Paris les élèves du philosophe Amalaric de Bena, ceux qui médisaient de Rome et du pape ou déclaraient païen l’usage d’élever des autels en l’honneur de saints et de