Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 4.djvu/182

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les opinions les plus hardies sur la Bible et le Talmud, et s’affranchir même complètement du joug des pratiques cérémonielles. On allait si loin dans cette voie que, dans certaines communautés d’Espagne, des Juifs contractèrent des mariages avec des chrétiennes et des musulmanes.

Ces tendances antireligieuses des partisans de Maïmonide précipitèrent le mouvement contre son œuvre. Le signal fut donné par un brave et digne rabbin de Montpellier, Salomon ben Abraham, nature honnête et loyale, mais esprit étroit, qui ne voyait de salut que dans le Talmud. Salomon et ses partisans se représentaient Dieu sous une forme corporelle, tel qu’il est décrit dans l’Aggada, assis sur un trône enveloppé de nuages. Les récompenses et les châtiments de la vie future avaient pour eux une signification toute matérielle, ils pensaient que les justes goûteront, dans le paradis, de la viande du Léviathan et du vin vieux, et que les méchants seront torturés dans les flammes de l’enfer. Ils croyaient fermement aux mauvais esprits, parce que l’Aggada en affirme l’existence.

Avec de telles idées, Salomon devait naturellement trouver une hérésie dans chaque ligne du Mord. Convaincu que le triomphe des doctrines de Maïmonide amènerait rapidement la destruction du judaïsme, il n’hésita pas à se servir contre elles de l’arme dangereuse de l’excommunication, que le christianisme du moyen âge employait alors si fréquemment pour combattre toute indépendance de pensée. Aucun rabbin de la Provence ne voulut se joindre à lui pour flétrir le Moré. Seuls deux de ses disciples lui accordèrent leur appui, Yona ben Abraham Gerundi, de Girone, et David ben Saül. Donc, au commencement de 1232, ces trois rabbins lancèrent l’excommunication contre tous ceux qui liraient les écrits philosophiques de Maïmonide, s’occuperaient d’autres études que de la Bible et du Talmud, et interpréteraient la Thora autrement que ne l’avait fait Baschi.

Cet outrage infligé à la mémoire de Maïmonide et cette déclaration de guerre faite à toute recherche scientifique, à toute spéculation philosophique, révoltèrent les savants de Provence, qui rendirent coup pour coup. À Lunel, à Béziers et à Narbonne, où les maïmonistes étaient les maîtres, ils excommunièrent, à leur tour,