Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 4.djvu/195

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La Cabale prétendait trouver ses doctrines dans la Bible, on peut donc aisément concevoir les tortures qu’elle devait imposer au texte pour arriver à ses fins. Aussi laisse-t-elle bien loin derrière elle, dans ses interprétations subtiles, fausses et tortueuses, les allégoristes d’Alexandrie, les aggadistes, les Pères de l’Église et tous les théologiens juifs et chrétiens. Azriel, du moins, s’efforça de rester fidèle à l’esprit philosophique et de rendre la Cabale acceptable pour les penseurs. Mais un autre cabaliste de ce temps, Jacob ben Schèschét Gerundi, de Girone (vers 1243 ou 1246), voulut au contraire, opposer cette doctrine à la véritable philosophie, il dédaignait de s’entretenir avec les philosophes et les accablait d’injures.

Pour faire croire à la haute antiquité de la Cabale, on mit en circulation une œuvre mystique qu’on revêtit d’une forme antique et qu’on attribua à un docteur du Talmud, Nehounia ben Haccana. Cette œuvre mensongère s’appelle Livre de l’Éclat (Bakir), mais mérite plutôt le nom de Livre des Ténèbres ; elle a été composée par Ezra et Azriel. Ces auteurs s’y étaient pris avec une telle habileté que des rabbins savants et avisés admettaient sincèrement que ce livre remontait à l’époque talmudique. Il fut cependant dénoncé comme œuvre de faussaire et même d’hérétique par le savant rabbin Meïr ben Simon, de Narbonne, avec l’assentiment du pieux talmudiste Meschoullam ben Mosché, de Béziers. Mais cette œuvre de mensonge et de supercherie trouva bon accueil auprès des cabalistes, qui la propagèrent avec zèle et le firent accepter comme un document précieux en faveur de leur doctrine, tandis que l’épître de Meïr tomba dans l’oubli. Ainsi, c’est dans Girone, la ville natale d’Ezra, d’Azriel, de Jacob ben Schèschét et de Nahmani, que la Cabale se développa et acquit de l’autorité avant de prendre son essor et d’infester d’autres régions de ses enseignements funestes.

La Cabale ne repose, en réalité, que sur l’erreur. On peut tout au plus admettre comme circonstance atténuante que ses créateurs se sont trompés de bonne foi. Ses doctrines sont, pour la plupart, de date assez récente, et tout à fait étrangères à l’esprit du judaïsme ; elles se rattachent en partie à l’époque de décadence de la philosophie grecque. Selon toute apparence,