Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 4.djvu/217

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et la philosophie, respect pour la Cabale comme pour une doctrine de la plus haute antiquité, tels sont les principaux traits qui caractérisent Nahmani et, après lui, les rabbins de l’Espagne. Il faut y ajouter un désir ardent de revoir la Terre Sainte et de s’y établir, désir qui grandit avec les maux dont les Juifs souffraient alors.

Ces maux, en vérité, augmentaient d’année en année. Si l’histoire juive voulait suivre pas à pas les chroniques, les mémoires et les martyrologes, on n’y lirait que le récit d’atroces tueries, on y verrait le sang couler à flots, les cadavres s’entasser, et princes et peuples remplir les fonctions de bourreaux. En effet, du XIIIe au XIVe siècle, les persécutions des Juifs se multiplient avec une effrayante rapidité, le fanatisme populaire, la cupidité des rois, la jalousie des marchands s’unissent pour les opprimer, les abreuver d’humiliations et d’outrages et les pousser au désespoir. Les pillages succèdent aux pillages, les massacres aux massacres ; selon l’expression du prophète, le peuple juif est asservi et écrasé, sans qu’il ouvre la bouche, il est égorgé comme un troupeau de moutons, toutes les nations de l’Europe rivalisent entre elles pour l’injurier et le frapper.

En Allemagne, pendant la lutte qui éclata, à la mort de l’empereur Frédéric II, entre les Guelfes et les Gibelins. et se prolongea jusqu’au couronnement de l’empereur Rodolphe de Habsbourg, les Juifs furent égorgés par milliers. Tous les ans, il y eut de nouveaux massacres à Wissembourg, Magdebourg, Arnstadt, Coblence, Sinzig, Erfurth, et dans bien d’autres villes de l’Allemagne. Des familles entières mettaient leur gloire à brûler le plus de Juifs possible et s’intitulaient fièrement rôtisseurs de Juifs, Judenbreter. Au lieu d’arrêter ces excès, le clergé semblait, au contraire, y encourager le peuple par les humiliations avilissantes qu’il imposait aux Juifs. Ainsi, pour exposer les Juifs plus sûrement à la risée et aux insultes de la populace, le concile de Vienne (1264), présidé par un légat du pape, décida qu’à la place de la rouelle, ils porteraient un chapeau pointu ou une coiffure en forme de corne.

En France, le souverain lui-même allait au-devant des vœux de l’Église pour avilir et humilier les Juifs. Une année avant son