Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 4.djvu/222

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Par contre, il professait, à l’exemple de son maître Nahmani, un respect profond pour la Cabale, mais conseillait cependant de ne pas l’enseigner publiquement ; il voulait qu’elle restât une science secrète.

Tel était l’homme auquel échut la très lourde responsabilité de tenir haut et ferme, à une époque troublée, le drapeau du judaïsme et de défendre sa religion contre les attaques des philosophes et les exagérations des cabalistes. Pendant quarante ans, Ben Adret resta la plus haute autorité religieuse, non seulement pour les Juifs d’Espagne, mais aussi pour ceux de l’Europe et même d’Asie et d’Afrique. De tous les pays du monde, de la France et de l’Allemagne, de la Bohème et de l’Italie, et nième de la Palestine et du nord de l’Afrique, on lui adressait des consultations religieuses. Cette influence considérable que Ben Adret exerçait sur ses coreligionnaires, il ne la devait pas seulement à sa vaste érudition, car d’autres rabbins de son temps étaient aussi des talmudistes instruits, et en Espagne même vivait à son époque un savant remarquable, Ahron Hallévi (né vers 1233 et mort après 1300). Mais on se soumettait volontiers à sa direction et on suivait ses conseils, parce qu’on savait qu’il défendrait vaillamment le judaïsme contre toute atteinte, qu’elle vint du dedans ou du dehors.

Du temps de Ben Adret, on voyait déjà se former la sombre nuée qui devait éclater, deux siècles plus tard, en un orage épouvantable sur les Juifs de la Péninsule ibérique. On sait que, dans l’espoir de convertir plus facilement les Juifs, le général des dominicains, Raimond de Peñaforte, avait organisé des écoles où les moines prêcheurs s’appliquaient à l’étude de l’arabe et de l’hébreu et se préparaient ainsi à combattre les Juifs avec plus de succès. Le premier de ces polémistes fut Raimond Martini. Il publia contre le judaïsme deux livres pleins de fiel, dont le titre indique clairement le but : Capistrum Judreorum et Pugio fidei (Muselière pour les Juifs, Poignard de la foi). Martini savait mieux l’hébreu que saint Jérôme, et il était très versé dans la littérature biblique et rabbinique. Il avait étudié les aggadot talmudiques et les écrits de Raschi, d’Ibn Ezra, de Maïmonide et de Kimhi, pour en déduire la preuve que non seulement la Bible, mais aussi les ouvrages rabbiniques présentaient Jésus comme Messie et Fils de Dieu.