Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 4.djvu/224

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contes étranges pour les exciter contre la philosophie, il se croyait assez fort pour pouvoir condamner les recherches spéculatives et excommunier ceux qui défendraient les droits de la pensée. Mais il rencontra une opposition inattendue.

Les communautés juives de l’Orient avaient alors à leur tête un homme très énergique, Yischaï ben Hiskiyya, qui portait le titre de prince et exilarque. Son autorité s’étendait sur tous les Juifs palestiniens placés sous la domination musulmane, mais quoique Saint-Jean d’Acre se trouvât au pouvoir des croisés, il prétendait quand même être obéi de la communauté de cette ville. Admirateur de Maïmonide et ami de son petit-fils David, qui était le chef des Juifs d’Égypte, il écrivit à Salomon Petit qu’il sévirait contre lui s’il ne cessait pas ses attaques contre Maïmonide. D’autres savants joignirent leurs protestations à celle de Yischaï. Pour être libre de toute entrave, Salomon Petit repartit pour l’Europe, où il parvint à associer à sa campagne contre Maïmonide un grand nombre de rabbins, surtout en Allemagne.

Fort de l’appui de ces rabbins, Salomon Petit retourna en Palestine. En traversant l’Italie, il essaya de recruter de nouveaux adhérents, mais sans grand succès. Les communautés italiennes, qui jusque-là avaient été aussi ignorantes que celles d’Allemagne, commençaient alors de sortir de leur somnolence et puisaient précisément leurs idées dans les œuvres de Maïmonide. Du reste, leur situation politique n’était pas mauvaise. Elles étaient plus tranquilles dans le voisinage du saint-siège que dans les pays de l’Europe centrale. C’est que l’Italie était alors divisée en petits États, qui étaient trop jaloux de leurs libertés pour supporter l’ingérence de l’Église dans leurs affaires intérieures. La ville de Ferrare avait accordé aux Juifs un Statut très libéral, qui contenait une disposition additionnelle en vertu de laquelle les chefs de la cité ne pouvaient abolir ce Statut, même sur la demande du pape. Charles d’Anjou, roi de Sicile, avait un médecin juif, Farag ibn Salomon, connu et très apprécié dans les milieux chrétiens sous le nom de Faragut. Il arrivait parfois aux papes eux-mêmes de transgresser les édits qu’ils avaient promulgués contre les Juifs. Ainsi, un des quatre papes qui s’étaient succédé dans un intervalle de treize ans (1279-1291) avait attaché à sa personne