Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 4.djvu/228

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élevé à la dignité impériale, menaçât leur existence, mais il convoitait leur argent, dont il avait besoin pour humilier l’orgueil des peigneurs et fonder la puissance des Habsbourg. Quoique les juifs lui eussent offert spontanément des sommes importantes quand le hasard eut placé sur sa tête la couronne impériale, il leur en extorquait encore à toute occasion. Toute faveur, toute grâce de sa part leur coûtait très cher. Toutes les fois qu’il leur accordait un droit quelconque, il leur imposait en même temps une restriction, pour avoir toujours prise sur eux.

C’est en s’inspirant de ce principe que Rodolphe commença par confirmer les anciens privilèges de la communauté juive de Ratisbonne ; il lui laissa ses tribunaux spéciaux pour les affaires civiles, et aucun de ses membres ne pouvait encourir une condamnation s’il n’avait contre lui au moins un témoin juif. Mais un peu plus tard, sur l’invitation de l’évêque, il défendit aux habitants juifs de Ratisbonne de sortir de leurs maisons pendant Pâques, pour empêcher qu’au grand scandale des chrétiens on les vit se promener dans les rues ; portes et fenêtres devaient rester closes chez les Juifs pendant cette fête. De même, après avoir remis en vigueur, dans les communautés d’Autriche, le Statut juif que Ferdinand le Belliqueux leur avait accordé pour les protéger contre le pillage et les violences, un an plus tard, dans un privilège qu’il donna aux bourgeois de Vienne, il proclama solennellement que les Juifs ne pouvaient occuper aucun emploi public. Il était cependant animé de dispositions bienveillantes pour les Juifs. Car, après qu’Innocent X eut déclaré les Juifs innocents du crime qu’on leur imputait de se servir de sang chrétien pour leur fête de Pâque, et que le pape Grégoire X (1271-78) eut défendu de leur imposer le baptême par contrainte ou de les léser dans leurs biens ou leurs personnes, Rodolphe promulgua ces deux bulles dans son Empire et ajouta qu’il était ridicule de croire que les Juifs mangeaient pendant Pâque le cœur d’un enfant mort. Du reste, il prescrivit à ses sujets d’obéir à toutes les bulles publiées par les papes en faveur des Juifs.

En dépit de ses sentiments relativement tolérants, Rodolphe laissait parfois se produire impunément des accusations de meurtre rituel et des violences contre les Juifs. Ainsi, vers Pâque,