Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 4.djvu/255

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impressionna profondément l’esprit un peu timoré des Juifs d’Es. pagne. Aussi Ben Adret, qui, jusque-là, avait hésité à se mettre à la tête du mouvement obscurantiste, se déclara-t-il prêt à mettre en interdit ceux qui s’adonneraient aux études profanes, si Abba Mari et Kalonymos de Narbonne consentaient à rédiger la formule d’excommunication. Un de ses disciples, Simson ben Meïr, enflammé par l’ardeur du maître, s’offrit pour trouver vingt communautés qui appuieraient Ben Adret de leur approbation. Il comptait naturellement sur Tolède, où prédominait l’influence d’Ascheri, et, en général, sur toute la Castille, qui recevait l’impulsion de la capitale.

On ne tarda pas à s’apercevoir combien ces excès de zèle répondaient peu au sentiment de la majorité. Ainsi, à Montpellier même, considéré cependant par les partisans d’Abba Mari comme leur forteresse, ils n’osèrent pas recueillir de signatures contre les études profanes, et Abba Mari, qui s’était constamment vanté d’être soutenu par presque tous les membres de cette communauté, dut avouer à Ben Adret qu’il craignait fort de ne pas obtenir leur concours dans cette circonstance. Mais les sentiments de Ben Adret s’étaient bien modifiés. Autant il avait été nécessaire auparavant de stimuler son zèle, autant il montrait maintenant de haine pour la science. L’influence d’Ascheri n’était certes pas étrangère à ce changement. C’est sur le conseil de ce rabbin qu’au jour de sabbat précédant l’anniversaire de la destruction de Jérusalem, Ben Adret, un rouleau de la Tora sur le bras, prononça solennellement l’anathème contre quiconque lirait avant l’âge de vingt-cinq ans un ouvrage scientifique, soit dans l’original, soit dans une traduction hébraïque (23 juillet 1305). Ceux qui interpréteraient la Bible dans un sens philosophique étaient voués à l’enfer dans l’autre monde et excommuniés ici-bas, et leurs ouvrages condamnés à être brûlés. Comme on ne faisait pas exception pour les ouvrages scientifiques écrits en hébreu, les travaux philosophiques de Maïmonide étaient également mis en interdit. On permettait cependant d’étudier la médecine, parce que le Talmud en autorisait la pratique.

Ainsi, dans le judaïsme aussi on commençait à faire le procès aux hérésies, et c’est Ben Adret qui présidait le premier tribunal