Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 4.djvu/275

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juifs et musulmans, qui, forts de l’appui d’Alphonse XI, se montraient parfois impitoyables envers leurs débiteurs, les cortès de Madrid, de Valladolid et d’autres villes sollicitèrent le roi d’intervenir pour mettre fin à ces abus. Le roi y consentit. Encouragées par ce premier succès, les cortès allèrent plus loin. Elles demandèrent au roi d’interdire dorénavant aux Juifs d’acquérir des biens-fonds, d’affermer les impôts ou de remplir les fonctions de trésoriers royaux (1329). Cette fois, Alphonse XI refusa. Bien plus, il accorda de nouvelles faveurs à Don Samuel ibn Wakar, lui confiant la ferme des revenus provenant des marchandises importées de Grenade, et l’autorisant par un privilège spécial à frapper les monnaies du pays au-dessous du titre légal. Par jalousie, Joseph d’Ecija offrit au roi de verser au Trésor une somme plus élevée qu’Ibn Wakar pour avoir la ferme des taxes payées par les marchandises de Grenade. Il croyait déjà avoir joué un bon tour à son rival, quand celui-ci parvint à persuader au roi qu’il rendrait service à la population castillane en prohibant toute importation de Grenade (1330-1331).

Pendant que ces deux fonctionnaires juifs s’efforçaient de se nuire mutuellement, leurs ennemis complotaient non seulement leur perte à tous deux, mais la perte de tous les Juifs de Castille. Ils faisaient croire à la foule qu’Ibn Wakar, en frappant de la monnaie au-dessous du titre légal, avait produit une grande cherté dans le pays, parce que les habitants exportaient les vivres pour être payés en monnaie étrangère, qui avait plus de valeur que l’argent de la Castille. L’Église, de son côté, ne restait pas inactive ; elle mettait tout en œuvre pour exciter la colère du roi contre les Juifs. Fait triste à signaler, ce fut un Juif nouvellement converti qui se montra le plus acharné contre ses anciens coreligionnaires. Cet apostat se nommait Abner.

Abner de Burgos, appelé plus tard Alfonso Burgensis de Valladolid, pratiquait la médecine. Il était versé dans la Bible et la littérature talmudique et possédait aussi des connaissances profanes. Ce furent ses spéculations philosophiques qui ébranlèrent sa foi. Dévoré d’ambition et obligé de mener une vie très modeste, ayant même de la peine à subvenir à ses besoins, il espérait qu’en acceptant le baptême il lui serait plus facile de conquérir honneurs