Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 4.djvu/284

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va fondre sur eux. Une sombre nuée, portant dans ses flancs la foudre et la tempête, est prête à crever au-dessus de leur tête et à les faire périr par milliers. Ce ne font pas quelques membres seuls, mais le corps tout entier qui, cette fois, sera frappé, et les maux qui vont les atteindre tous prouvera aux malheureux Juifs que tout en étant disséminés, ils sont quand même unis entre eux par la plus étroite solidarité. Jusqu’alors, on se contentait le plus souvent de les piller et de les expulser ; cette fois, ils verront sans cesse grimacer devant eux la hideuse mort, avec son lugubre cortège de supplices et de tortures de tout genre.

Ce fut l’Allemagne qui donna le signal de la ronde macabre. Le bruit s’était répandu que l’audace des Juifs avait considérablement grandi à la suite des dispositions bienveillantes que l’empereur Louis de Bavière avait manifestées à leur égard. Ce bruit était doublement mensonger. À cette époque, les pauvres Juifs ne songeaient guère à se montrer audacieux. Car l’empereur Louis, celui-là même qu’on accusait de leur être favorable, les maltraitait, les pressurait, les donnait en gage, les vendait, absolument comme avaient fait ses prédécesseurs. Seulement, il ne les faisait pas tuer comme l’empereur Frédéric le Bel, son rival, parce qu’il en voulait surtout à leur argent. Il leur imposa même une nouvelle taxe, le denier d’or. Tout Juif ou Juive de l’empire d’Allemagne, âgé de plus de douze ans, et qui disposait d’une somme de vingt florins, devait payer un impôt annuel d’un florin. À ses yeux, cette taxe était sans doute justifiée par cette raison que, depuis Vespasien et Titus, les Juifs versaient un impôt annuel aux empereurs romains, dont les Césars germains se proclamaient les héritiers directs.

Sous le règne de l’empereur Louis, les Juifs subirent le contrecoup des désordres et de la guerre civile qui sévissaient alors en Allemagne. Pendant deux années consécutives (1336-1337) des bandes de paysans et de gueux, surnommés tueurs de Juifs, Judenschlaeger, ravagèrent les communautés de l’Allemagne, sous la direction de deux membres de la noblesse, qui avaient noué une bande de cuir autour de leur bras et pris le nom de rois Armleder. Cette fois encore, comme quelques années ; auparavant, lors des violences ordonnées par Rindfleisch, les massacres