Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 4.djvu/303

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

furent-elles vivement combattues par un rabbin incluent de l’époque, Nissim Gerundi ben Reuben ou Ran, de Barcelone (vers 1340-1380), qui craignait avec raison les conséquences fâcheuses de déceptions trop fréquentes.

Du reste, les illusions que la position brillante de Don Samuel avait fait naître dans le cœur de ses coreligionnaires d’Espagne allaient recevoir une très grave atteinte. Don Samuel était trop puissant pour ne pas avoir des envieux et des ennemis. Il avait contre lui non seulement Henri de Transtamare et la reine Blanche, mais tous ceux qui avaient occupé auparavant des emplois à la cour. Un poète, Don Pedro Lopez de Ayala, chroniqueur et porte-bannière du roi, se fit l’interprète des sentiments que les courtisans nourrissaient à l’égard du ministre juif. Les Juifs, dit-il, boivent le sang des malheureux chrétiens et, en leur qualité de fermiers des impôts, ils s’emparent de leurs biens. Don Abraham et Don Samuel, beaux parleurs, savent obtenir du souverain tout ce qu’ils désirent. De tous côtés on battait en brèche l’influence de Samuel.

Un beau jour, Don Pedro fit confisquer toute la fortune de Samuel et de sa famille, qui consistait en 230.900 doublons, 4.000 marcs d’argent, 125 caissettes d’étoffes précieuses et 180 esclaves. Il parait qu’on trouva enfouies dans la maison de Samuel des quantités considérables d’or et d’argent. Lui-même fut jeté en prison et torturé. On espérait lui faire avouer qu’il possédait encore d’autres richesses. Mais il ne fit aucun aveu et périt dans les tortures. Une inscription, gravée sur sa tombe, dit en termes très sobres qu’il avait été tout-puissant et que son âme est montée vers Dieu, purifiée par les souffrances. Elle ne contient pas un mot de blâme contre Don Pedro.

Il est vrai que, même après la mort de Samuel, le roi continua de confier des emplois élevés à des Juifs. Ces derniers durent partager plus tard avec leur souverain la réprobation soulevée par plusieurs de ses actes. On sait que Don Pedro fit assassiner sa femme. Que la reine ait mérité la mort ou non, il est certain que son exécution resto comme une flétrissure pour la mémoire de Don Pedro. Ses contemporains rendirent le roi seul responsable de cet acte, et le chroniqueur Lopez de Ayala, qui n’aimait pourtant