Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 4.djvu/309

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un écrit polémique, plus complet que celui de Moise, pour aider les juifs à se défendre contre les attaques des chrétiens et leur montrer les points faibles du christianisme. On aurait vraiment dit que ces esprits élevés prévoyaient les maux qui allaient atteindre les Juifs d’Espagne et qu’ils voulaient d’avance leur mettre des armes entre les mains pour les prémunir contre toute surprise. Ce Schem Tob avait été appelé à discuter à Pampelune, en présence d’évêques et de savants ecclésiastiques, sur le péché originel et la Rédemption, arec le cardinal Don Pedro de Luna, qui fit plus tard tant de mal aux Juifs quand il eut été élu pape sous le nom de Benoît XIII. Ce fut à la suite de cette controverse que Schem Tob publia un écrit polémique. Il traduisit également en hébreu des extraits des quatre évangiles et y ajouta des remarques piquantes, pour permettre à ses coreligionnaires de combattre le christianisme avec ses propres armes.

Ces ouvrages ne rendirent cependant pas aux Juifs, à l’heure des épreuves, les services que leurs auteurs en attendaient. C’est que les écrits ne suffisaient pas. Il aurait fallu des hommes énergiques, de caractère ferme et de haute intelligence, pour élever.jusqu’à eux la partie la plus instruite de la population juive, lui faire partager leurs propres sentiments et l’associer à eux pour diriger le judaïsme. Mais l’anathème lancé contre les études profanes avait produit son effet. Grâce à lui, la génération de cette époque était composée d’hommes médiocres, manquant de la pénétration nécessaire pour se rendre un compte exact des événements, pénétration que les spéculations philosophiques peuvent seules donner à l’esprit. La foi elle-même souffrait de ce que les croyants eussent été enfermés dans le domaine étroit du Talmud.

Deux hommes seuls dépassaient alors le niveau moyen par leur savoir et leur caractère : c’étaient Hasdaï Crescas et Isaac ben Schèschet. Il est vrai qu’ils habitaient l’Aragon, où les Juifs, sous la domination de Don Pedro IV et de Juan Ier, étaient moins opprimés et moins appauvris que leurs frères de Castille. Non pas que ces deux savants fussent assez éminents pour exercer une influence sur la manière de penser de leurs contemporains, mais n’étaient des hommes en vue, qui, de loin, appelaient l’attention sur eux, et auxquels on demandait souvent conseil dans les circonstances