Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 4.djvu/313

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

modestes, détestent le travail manuel, s’adonnent à l’oisiveté, aiment la danse et le jeu, portent le costume du pays et peignent soigneusement leur barbe… Pendant le sermon, ils dorment ou causent. Dans chaque ville, ils sont désunis et sèment la discorde pour des vétilles… Ils se jalousent même entre eux et se calomnient mutuellement auprès des rois et des princes.

Ce dernier reproche était particulièrement fondé. À cette époque, les délations, autrefois si rares parmi les Juifs ; étaient devenues très fréquentes ; on dénonçait même ! es rabbins. Ceux-ci, qui pouvaient exercer eux-mêmes la juridiction pénale avec le concours de quelques assesseurs, se montraient très sévères pour les délateurs, parfois ils les punissaient même de mort. On sait, en effet, que, de temps immémorial, les Juifs de Castille, d’Aragon, de valence et de Catalogne possédaient leur juridiction propre, même pour les affaires criminelles, et que leurs tribunaux avaient le droit de haute justice, sauf à demander au roi la sanction du jugement, sanction qu’on pouvait toujours obtenir par l’intermédiaire d’un favori juif ou à prix d’argent.

Mais cette facilité qu’avaient les tribunaux juifs de sévir contre les délateurs présentait plus d’inconvénients que d’avantages, car souvent on condamnait les inculpés sans enquête sérieuse, sans interroger attentivement les témoins ; ce qui irritait les parents et les amis des condamnés. Il arrivait aussi qu’on qualifiait de délation des assertions qui n’avaient nullement ce caractère. Il parait probable que ce fut à la suite d’une imprudence de ce genre, dont le tribunal rabbinique de Burgos se rendit coupable à l’égard d’un personnage haut placé et aimé, que se produisit en Espagne la première persécution sanglante contre les Juifs.

On a vu plus haut qu’après s’être fait nommer roi de Castille, Henri de Transtamare avait pris pour trésorier et fermier général des impôts le Juif Joseph Pichon, de Séville. Celui-ci fut accusé de malversation par plusieurs favoris juifs, jeté en prison et condamné à une amende de 40.000 doublons. Après avoir versé cette somme, il fut remis en liberté et continua de jouir auprès de la population chrétienne de Séville de la plus grande considération. Pour se venger ou peut-être simplement pour arriver à se justifier, Joseph Pichon impliqua ses dénonciateurs dans une très