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d’Allemagne ne reçut les délégués qu’après plusieurs années d’attente. À son tour, il envoya à Cordoue, sous la direction de l’abbé Jean de Gorze (Jean de Vendières), des ambassadeurs chargés de remettre au khalife une lettre où il parlait de l’islamisme en termes peu convenables. Abdul Rahman, flairant un piège, chargea Hasdaï d’essayer d’apprendre par l’un ou l’autre des ambassadeurs quel était le contenu de cette lettre. Après de nombreux pourparlers, où il déploya beaucoup d’habileté et de pénétration, Hasdaï parvint à arracher le secret à Jean de Gorze. Après les avoir fait attendre pendant une année, le khalife reçut enfin les ambassadeurs quand, sur les instances de Hasdaï et de l’évêque mouzarabe de Cordoue, leur chef se fut fait envoyer une nouvelle lettre d’introduction (956-959).

Profondément attaché au judaïsme et aux Juifs, Hasdaï voyait avec douleur la situation précaire et parfois misérable de ses frères et leur dispersion au milieu de peuples souvent hostiles. Que de fois ne dut-il pas entendre les chrétiens et les musulmans traiter sa religion avec dédain, parce que, comme ils disaient, « le sceptre avait été ravi à Juda et que, par conséquent, les Juifs avaient été repoussés par Dieu lui-même ! » C’est qu’à cette époque régnait encore cette conception étroite qu’une religion n’avait de valeur et ne pouvait durer qu’autant qu’elle disposait d’un territoire, d’un souverain et d’une cour, en un mot du pouvoir temporel. Hasdaï partageait sur ce point les idées de son temps. Aussi se préoccupait-il vivement de ce qu’on lui avait raconté au sujet de l’existence d’un empire juif autonome dans le pays des Khazars, existence affirmée par des bruits vagues qui avaient pénétré jusqu’en Espagne. Il ne manquait jamais d’interroger sur ce point les ambassadeurs qui venaient de pays lointains à la cour du khalife.

Ce fut pour lui une grande joie d’apprendre un jour par un envoyé du Khorassan qu’il existait, en effet, un roi juif dans le pays des Khazars, et cette joie redoubla quand une ambassade de Byzance l’informa que ce roi portait le nom juif de Joseph, et que les Khazars formaient une nation puissante et belliqueuse. Son plus vif désir fut alors d’entrer en relations avec le roi juif, et il chercha un homme prudent et courageux qui pût transmettre de sa part une lettre à ce souverain et lui rapporter des renseignements plus détaillés.