Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 4.djvu/341

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colloque. On devait d’abord essayer de prouver par le Talmud et d’autres écrits rabbiniques que le Messie était venu dans la personne de Jésus. Si cette première argumentation n’amenait pas la conversion en masse des Juifs, comme on s’en flattait à la cour du pape, il faudrait attaquer violemment le Talmud, déclarer qu’il contient toute sorte d’abominations et que son enseignement seul encourage les Juifs à persister dans leurs erreurs. Ce plan une fois arrêté, Jérôme de Santa-Fé composa un ouvrage pour démontrer, par des extraits de livres juifs, que Jésus est vraiment le Vessie. Cet ouvrage, où l’on reconnaît à la fois l’influence du Talmud et des Pères de l’Église, fut examiné et approuvé par le pape et les cardinaux, et utilisé pour diriger la discussion.

Cette controverse, une des plus extraordinaires qu’on connaisse, se prolongea, avec maintes interruptions, pendant vingt et un mois (février 1413 - 12 novembre 1414) et occupa soixante-huit séances. Quand les notables juifs furent amenés devant le pape Benoît XIII (6 février 1413) et invités à faire consigner leurs noms dans un procès-verbal, ils eurent peur ; ils croyaient qu’il y allait de leur vie. Le pape les tranquillisa, leur disant que c’était une pure formalité. Du reste, à cette audience il les traita avec une certaine bonté, les rassurant et leur déclarant qu’il ne les avait convoqués que pour savoir si réellement le Talmud reconnaissait Jésus comme Messie, et les autorisant à parler librement. II désigna ensuite une demeure pour chacun d’eux et ordonna qu’on eût soin d’eux. Agréablement surpris de cet accueil bienveillant, plusieurs des notables étaient déjà tout rassurés sur le résultat final de ce colloque. Ils connaissaient mal leurs persécuteurs.

Le lendemain de cette audience, on entama la controverse. À leur entrée dans la salle des séances, les notables juifs furent fortement impressionnés. Devant eux se tenait le pape dans ses magnifiques vêtements pontificaux, assis sur un trône élevé, et entouré des cardinaux et des hauts dignitaires de l’Église, et dans la salle, près de mille assistants, appartenant aux plus hautes classes de la société. Au milieu de cette assistance imposante et sûre de sa force, ils se sentaient vaincus avant d’avoir lutté. Le pape, en ouvrant la séance, adressa une allocution aux Juifs pour