Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 4.djvu/346

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Abandonné de ses protecteurs, de ses amis et de ses propres créatures, Pedro de Luna ne conserva bientôt plus de toute sa magnificence que la petite forteresse de Peñiscola.

On ne sait ce que devint Josua Lorqui, autrement dit Jérôme de Santa-Fé, après la chute de son protecteur. Dans les milieux juifs, ce renégat avait reçu le surnom bien mérité de Megaddéf (le blasphémateur). Ses deux fils, qui s’étaient également convertis, furent élevés en Aragon à de hautes dignités. L’un des deux, Francisco de Santa-Fé, fut nommé membre du conseil d’État ; dans sa vieillesse, il fut brûlé sur le bûcher comme hérétique judaïsant. Les autres persécuteurs des Juifs, le roi Ferdinand d’Aragon, la régente Catalina et leur mauvais génie, Vincent Ferrer, disparurent presque en même temps de la scène (1417-1419). Vincent eut même la douleur, avant sa mort, de voir le concile de Constance condamner son ardeur de flagellant, qui, auparavant, lui avait pourtant fait décerner le titre de saint. Malheureusement, la situation faite aux Juifs par ces personnages leur survécut. En Castille, on continua d’appliquer les lois restrictives de Catalina, et la bulle de Benoît XIII resta en vigueur dans l’Aragon. Vincent Ferrer surtout avait fait beaucoup de mal aux Juifs, non seulement en Espagne, mais dans d’autres pays encore, et ce mal ne pouvait pas être facilement réparé.

En Portugal, cependant, les Juifs n’eurent pas à souffrir du fanatisme de Ferrer. Le souverain de ce pays, Don Jojo I avait alors des préoccupations plus sérieuses que celle d’aider à convertir des Juifs, il se préparait à faire en Afrique les premières conquêtes qui marquèrent le début de la puissance maritime des Portugais. Aussi, quand Ferrer lui demanda l’autorisation de venir flétrir également en Portugal les péchés des chrétiens et l’aveuglement des Juifs, il lui fit dire qu’il pouvait venir, mais la tête ceinte d’une couronne de fer incandescente. Grâce à la tolérance du roi, les Juifs du Portugal jouissaient d’une complète sécurité, et bien des Juifs baptisés d’Espagne se réfugièrent dans ce pays. Du reste, Don João Ier défendit expressément de maltraiter les nouveaux convertis émigrés en Portugal ou de les livrer à l’Espagne.

Mais il y eut beaucoup d’autres contrées en Europe où Ferrer,