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vigueur et de l’harmonie. Tout en imitant les Arabes, comme ils l’avouaient eux-mêmes, Dounasch et les autres poètes hispano-juifs ne suivaient cependant pas servilement leurs modèles, ils n’imposaient pas à la langue hébraïque des mètres qui ne pouvaient convenir qu’à l’arabe, mais tenaient toujours compte, dans leurs œuvres, de la nature particulière de l’hébreu. Ils imprimaient à la nouvelle poésie une allure vive, rapide, sautillante. Du temps de Hasdaï, cette poésie était cependant restée un peu raide et guindée ; comme dira plus tard un critique, « les chanteurs ne faisaient encore entendre qu’un gazouillement vague et incertain ». Les thèmes favoris des poètes étaient alors les panégyriques et les satires, mais ils cultivaient aussi la poésie liturgique.

On connaît peu de chose du caractère et de la vie de Menahem ben Sarouk. On sait seulement qu’il est né à Tortose (vers 910, mort vers 970), d’une famille peu aisée, et qu’Isaac, le père de Hasdaï, fut son premier protecteur. Menahem se livra avec ardeur à l’étude de la langue hébraïque ; il sut utiliser avec profit les travaux des premiers grammairiens. Son style avait un éclat incomparable et était même supérieur à celui du caraïte Aboulsari Sahal.

Dès que Hasdaï eut été nommé à un poste élevé, il appela auprès de lui le protégé de son père par des paroles flatteuses et de séduisantes promesses. Sur son conseil, Menahem étudia particulièrement les diverses formes et les significations variées des mots hébreux. Vers 955, il composa un lexique hébreu complet sous le nom de Makbérét, où il indiquait également quelques règles grammaticales et rectifiait sur plusieurs points les opinions de ses prédécesseurs. Il fut le premier grammairien qui distinguât la racine dans les mots hébreux et en séparât les lettres serviles et les autres additions. Théorie admise partout aujourd’hui, mais qui était inconnue des devanciers de Menahem. Celui-ci donne, dans son ouvrage, chaque racine avec ses inflexions et ses diverses modifications, et en explique les différents sens avec beaucoup de finesse et dans un langage clair et juste. Dans cet espace d’un demi-siècle qui séparait Menahem de Ben-Ascher, la science grammaticale avait fait des progrès considérables.

Comme le lexique de Menahem était écrit en hébreu, il trouva de