Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 4.djvu/367

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des dispositions bienveillantes pour les Juifs. Ainsi, il confirma les privilèges que leur avait accordés son prédécesseur, Martin V, et défendit de les baptiser par contrainte ou de les maltraiter. Mais brusquement il changea à leur égard. Cette volte-face subite était certainement due à l’influence d’Alfonso de Cartagena, évêque de Burgos, qui, au concile de Bâle, avait plaidé avec chaleur la cause du pape Eugène. Seul ce prélat d’origine juive, surnommé par le pape la joie de l’Espagne et l’honneur du clergé, était capable d’accuser les Juifs de Castille d’arrogance et de présomption. À la suite de cette intervention, Eugène IV adressa un bref aux évêques de Castille et de Léon (10 août 1442) pour leur dire que les Juifs abusaient, au détriment des croyants, des prérogatives octroyées par les papes, commettaient des actes coupables et contribuaient ainsi à nuire au christianisme. Il prétendait, par conséquent, se trouver dans l’obligation de déclarer nuls et non avenus tous les privilèges qu’ils avaient obtenus de lui, de Martin V et d’autres papes. À cette occasion, Eugène IV remit en vigueur toutes les mesures restrictives promulguées contre les Juifs par le pape Benoît, et qui n’avaient jamais été prises en considération sous le règne de Juan Il. Ce bref fut publié dans plusieurs villes de la Castille, à l’insu du roi. C’était là un coup droit porté à Alvaro de Luna, le protecteur des Juifs.

Mais Alvaro était homme à riposter. Il publia, au nom du roi, une pragmatique (du 6 avril 1443) datée d’Arevalo, qui annulait le bref papal. Dans ce document, il déclare que, d’après le droit canon et la législation royale, les Juifs sont autorisés à vivre parmi les chrétiens, et que le roi est vivement irrité des tentatives faites par des audacieux, dans plusieurs villes, pour leur causer du mal, sous prétexte qu’ils forment une classe inférieure. Il est vrai que certaines dispositions canoniques leur interdisent l’accès des dignités et défendent aux chrétiens d’entretenir avec eux des relations amicales, mais on va beaucoup trop loin en cherchant à les isoler complètement et à les éloigner même des emplois subalternes. Il est permis aux chrétiens de garder les troupeaux des Juifs, de labourer leurs champs et d’avoir avec eux des relations commerciales. À la fin de sa déclaration, le roi défend à tous ses sujets, sous les peines les plus sévères, d’édicter à son insu une