Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 4.djvu/380

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représentants les plus éminents de la science talmudique de ce temps, se distinguaient surtout Jacob Weil (vers 1375-1455) et Israël Isserlein (vers 1400-1460), qui, tous deux, jouirent d’une autorité incontestée auprès de leurs contemporains, et plus tard encore. Tous deux aussi combattirent avec énergie les prétentions exorbitantes de certains rabbins qui, à l’exemple des prêtres chrétiens, voulaient exercer une sorte de domination spirituelle, au détriment de la liberté des communautés.

Mais à côté de ce relèvement intellectuel, que de souffrances et de misères ! Aussi les Juifs d’Allemagne émigrés en Turquie pour échapper aux persécutions éprouvaient-ils un véritable enchantement à la vue de la situation si heureuse de leurs coreligionnaires turcs. Dans ce pays, ni denier d’or à payer, ni taxes de la couronne, absorbant parfois le tiers de la fortune, mais liberté de circulation et liberté commerciale. Chacun pouvait disposer de ses biens à sa guise, s’habiller comme il l’entendait, se couvrir de vêtements de soie et d’or. La Turquie où, selon l’expression d’un enthousiaste, rien ne manquait, offrait un vaste champ à l’activité des Juifs. Si nos frères d’Allemagne connaissaient seulement la dixième partie de la prospérité de ce pays, disaient deux jeunes gens juifs, Kalmann et David, émigrés en Turquie, ils surmonteraient toutes les difficultés pour venir ici en masse. Un autre émigré, Isaac Çarfati, envoie aux Juifs de Souabe, des provinces rhénanes, de la Styrie, de la Moravie et de la Hongrie une circulaire où il oppose la sécurité dont la population juive jouit sous la protection du croissant au joug pesant dont elle est accablée dans les pays chrétiens, et il les engage à émigrer en Turquie. Cette description, où l’ombre et la lumière ressortent avec un relief puissant, est faite (vers 1454) dans un style pittoresque et si pétillant de verve qu’il est parfois intraduisible : On m’a raconté, dit-il dans ce document, que nos frères d’Allemagne ont à subir des souffrances plus amères que la mort, sont soumis à des lois iniques, baptisés par contrainte et expulsés. Quittent-ils un endroit pour échapper à leurs maux, ils sont atteints ailleurs par des maux encore pires. J’entends les clameurs poussées par un peuple arrogant contre mes frères, je le vois lever la main sur eux. Ils souffrent au dedans et au dehors. Chaque jour, on invente