Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 4.djvu/385

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Ces excitations ne tardèrent pas à produire leur effet. Quand un moine, la croix en main, engagea les habitants de Medina del Campo, près de Valladolid, à égorger la population juive, il fut immédiatement obéi. La foule se rua sur les Juifs, en brûla quelques-uns avec les rouleaux de la Loi, et pilla leurs biens (1461).

Ce fut surtout aux Marranes que s’attaquèrent à cette époque les fanatiques, parce que les nouveaux chrétiens étaient arrivés aux plus hautes situations politiques et ecclésiastiques, jouant un rôle prépondérant dans les cortès et le conseil d’État et occupant des sièges épiscopaux. Alfonso de Espina les accusait d’être restés juifs en secret et de profaner la sainteté de l’Église par leur conduite. C’était là une exagération très grande, et probablement préméditée, que de déclarer que tous les Marranes étaient restés attachés aux croyances de leurs ancêtres et pratiquaient en cachette tes rites juifs. Car précisément ceux des Marranes qui s’efforçaient d’arriver au premier rang éprouvaient, sinon de la haine, du moins une indifférence absolue pour le judaïsme, tandis que ceux qui, au fond du cœur, étaient encore fidèles au culte de leurs pères, vivaient dans une modeste réserve. Mais il importait aux ennemis des Marranes de les impliquer tous dans la même accusation, pour agir avec plus de force sur l’opinion publique et aussi sur le faible roi Henri IV.

On sait que, pour avoir en main une arme contre les Marranes, ses adversaires, Alvaro de Luna avait sollicité du pape une bulle autorisant l’établissement d’un tribunal d’inquisition en Espagne et punissant de mort les nouveaux chrétiens convaincus de pratiquer le judaïsme. Cette bulle, les moines de Salamanque la possédaient, mais elle n’avait pas encore été mise en vigueur. Il s’agissait maintenant d’obtenir du roi la permission de créer ce tribunal. Dans ce but, un prédicateur fanatique vint lancer du haut de la chaire les plus véhémentes imprécations contre les Marranes, reprochant à beaucoup d’entre eux d’avoir même fait circoncire leurs enfants. Pour calmer l’effervescence populaire produite à Madrid par ces prédications contre les Marranes, le roi se vit obligé de faire, remplacer ce moine par un orateur plus modéré. À Tolède, le mécontentement public contre les nouveaux chrétiens se fit jour par des scènes sanglantes. À la faveur de