Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 4.djvu/390

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chrétienne. Il eut même la pieuse pensée d’accuser ses coreligionnaires de posséder des écrits injurieux pour le christianisme. Hais lui aussi regretta sa démarche, et il profita un jour de l’absence de l’évêque pour s’enfuir de sa demeure et retourner chez les Juifs. Appelé à comparaître devant la cour prévôtale et accusé d’avoir voulu outrager l’Église, Dieu et la Vierge, il fut condamné à mort et noyé.

Il est à remarquer que toutes les fois que les Juifs pouvaient jouir librement de l’air et de la lumière, ils manifestaient de l’intérêt pour la science. En Italie particulièrement, ils s’y sentaient encouragés par le souvenir, encore récent, d’Immanuel et de Leone Romano. Aussi prirent-ils une part active au réveil scientifique et littéraire qui illustra l’époque des Médicis. Des jeunes gens juifs fréquentaient les universités italiennes et montraient un zèle louable pour la haute culture. Ce furent des Juifs italiens qui utilisèrent les premiers l’invention de Gutenberg, établissant des imprimeries à Reggio, Mantoue, Ferrare, Pieva de Sacco, Bologne, Suncino, Iscion et Naples. Pour des motifs spéciaux, ils ne s’intéressaient pas aux arts de la peinture et de la sculpture. Mais plusieurs d’entre eux contribuèrent largement au développement de la science. Deux surtout méritent d’être mentionnés : Messer Léon et Elia del Medigo.

Messer Léon (vers 1430-1490), de Naples, appelé en hébreu Juda ben Yehiel, était à la fois médecin et rabbin à Mantoue. Familiarisé avec la littérature hébraïque, il connaissait également les ouvrages latins et savait apprécier les finesses de style de Cicéron et de Quintilien. Disciple d’Aristote, il commenta quelques écrits de ce philosophe si estimé par la Synagogue et l’Église, et composa une grammaire et un traité de logique, le tout en hébreu. Sa principale œuvre est un traité de rhétorique, Nofét Çoufim, où il indique les règles suivies par les grands écrivains pour donner à leur style de la grâce, de la chaleur et de la force, et où il montre que ces mêmes règles sont observées dans l’Écriture Sainte. Il fut le premier Juif qui eut la témérité de comparer la langue des prophètes et des psaumes avec celle de Cicéron, à une époque où Juifs et chrétiens considéraient une telle comparaison comme un blasphème. Messer Léon était, en général, assez libre