Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 4.djvu/408

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Pourtant, à cette époque, il y avait à la cour un Juif, Don Abraham Senior, très considéré pour son esprit prudent et fertile en ressources et pour ses richesses, à qui la reine Isabelle, en reconnaissance de ses services, avait accordé une pension viagère. Don Abraham avait, en effet, aidé les souverains catholiques à chasser l’islamisme des territoires qu’il possédait encore dans l’Espagne méridionale en leur procurant les ressources nécessaires à l’entretien de l’armée. Pour récompenser son habileté et son dévouement, et sans tenir compte des défenses du droit canon et de leurs propres ordonnances, Ferdinand et Isabelle le chargèrent d’administrer les finances de l’État et le nommèrent, comme successeur de Jacob Nunès, grand-rabbin des communautés espagnoles. En mainte circonstance, Don Abraham avait montré avec quelle ardeur il s’intéressait au sort de ses coreligionnaires. Mais il ne réussit pas à triompher des sentiments d’intolérance qui animaient la cour, sous l’inspiration de Ferdinand et d’Isabelle.

Les Marranes réfugiés à Rome se plaignirent alors auprès de Sixte IV des procédés arbitraires et horriblement cruels du tribunal d’inquisition. Le pape exprima son mécontentement au couple royal et blâma en termes très sévères la conduite des inquisiteurs. Après avoir déclaré qu’il avait agi sans réflexion en autorisant l’institution d’un tribunal d’inquisition, il ajouta qu’on lui avait rapporté que ce tribunal ne se conformait pas aux règles judiciaires, faisait incarcérer des innocents, appliquait la torture avec une impitoyable férocité, condamnait de bons chrétiens comme hérétiques et s’emparait des biens de leurs héritiers. Par condescendance pour les souverains, faisait-il remarquer, il ne révoquait pas encore les inquisiteurs Morillo et San Martino, mais il était bien résolu, dans le cas où de nouvelles plaintes lui seraient adressées, à les priver de leurs fonctions et à confier le pouvoir inquisitorial aux évêques, comme l’exigeait, du reste, la justice. Sixte IV repoussa également la requête de Ferdinand, qui lui demandait d’autoriser la création de tribunaux d’inquisition dans les autres districts de l’Espagne.

Mais comme le roi connaissait les besoins d’argent du pape, il sut en profiter pour obtenir de lui la permission d’introduire l’Inquisition