Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 4.djvu/412

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complot était un jeune savant, de la Torre, et ses complices étaient des ouvriers. Quand le gouverneur de la ville, Gomez Manrique, en eut connaissance, il fit arrêter et pendre quatre ou cinq des plus coupables. Bien des conjurés parvinrent probablement à s’enfuir. Si le gouverneur avait agi avec rigueur envers tous les Marranes suspects, il eût certainement dépeuplé la ville ; il se contenta de leur imposer une taxe pour contribuer aux frais de la campagne entreprise contre le royaume maure de Grenade.

Leur complot découvert, les Marranes de Tolède furent contraints de se soumettre, c’est-à-dire de se reconnaître coupables d’avoir plus ou moins judaïsé, et de demander l’absolution. Pour se rendre compte si leurs aveux et leur repentir étaient sincères, les inquisiteurs exigèrent de chacun d’eux, sous peine d’excommunication, qu’il désignât dans un délai donné les Marranes judaïsants qu’il connaîtrait. Ils convoquèrent également les rabbins du district de Tolède et leur tirent jurer devant la Tura que, dans les synagogues. ils engageraient tous les Juifs, sous menace d’anathème, à dénoncer les nouveaux chrétiens pratiquant les rites juifs. Les Marranes qui ne se dénonçaient pas eux-mêmes dans le délai prescrit ou donnaient de fausses indications étaient jetés dans des cachots, où ils restaient jusqu’à ce que le tribunal les appelât à comparaître devant lui.

Les premières victimes de l’Inquisition, à Tolède, furent trois hommes et trois femmes qu’un malheureux hasard avait fait tomber en son pouvoir. Craignant d’être arrêtés par le tribunal et condamnés à être livrés aux flammes, Sancho de Ciudad, sa femme Marie Diaz, son fils et sa bru, ainsi que Gonzalez de Téba et sa femme, tous Marranes de Villareal qui avaient pratiqué secrètement le judaïsme, s’étaient enfuis à Valence et s’y étaient embarqués pour émigrer. Poussés par une tempête dans un port espagnol, ils furent pris, conduits à Tolède et brûlés.

Cette exécution fut suivie, à Tolède, de beaucoup d’autres. Parmi les nouveaux chrétiens enfermés dans des cachots, à la suite de dénonciations, et soumis à la torture, la plupart se sentaient tellement las de vivre qu’ils déposaient contre eux-mêmes, contre leurs amis et même leurs voisins. Un procès en amenait donc un autre, qui, à son tour, en engendrait de nouveaux, et ainsi