Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 4.djvu/425

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sous peine de mort, de quitter dans un délai de quatre mois les territoires de Castille, d’Aragon, de Sicile et de Sardaigne. On leur permettait d’emporter leur avoir, sauf les métaux précieux, le numéraire et certaines marchandises dont l’exportation. était prohibée. Dans les considérants de leur édit, Ferdinand et Isabelle ne reprochaient nullement aux Juifs d’avoir fait de l’usure, ou acquis leurs richesses par des moyens illicites, ou causé des dommages aux chrétiens ; ils invoquaient seulement les efforts incessants des Juifs pour faire revenir les Marranes au judaïsme. Les souverains ajoutaient qu’ils auraient dû proscrire plus tôt les Juifs pour leurs menées insidieuses, mais qu’ils espéraient d’abord pouvoir les amener à résipiscence par la douceur, en n’expulsant que les Juifs d’Andalousie et en ne châtiant que les plus coupables d’entre eux. Ils ne s’étaient décidés à les bannir tous d’Espagne qu’après s’être convaincus que, malgré toutes les remontrances, ils continuaient à détourner les Marranes du christianisme et à les entretenir dans les hérésies juives. C’était donc pour couper le mal dans sa racine que, d’accord avec les dignitaires de l’Église, les grands et les savants, ils avaient décrété le bannissement de tous les Juifs de leurs États. Le délai de quatre mois écoulé, on confisquerait les biens de tout chrétien qui protégerait ou accueillerait un Juif.

Elle avait donc enfin éclaté, cette effroyable catastrophe, que des esprits clairvoyants avaient prévue depuis longtemps ! Les Juifs d’Espagne étaient donc définitivement condamnés à fuir le pays auquel ils étaient attachés par toutes les fibres de leur cœur, où reposaient leurs aïeux depuis quinze siècles, et dont ils avaient tant contribué à rehausser la grandeur, à augmenter les richesses et à relever la civilisation ! Ils étaient tout étourdis du coup qui les frappait. Abrabanel espérait encore pouvoir détourner ce malheur de ses coreligionnaires. Il se rendit auprès de Ferdinand et d’Isabelle et leur offrit des sommes considérables pour obtenir la révocation de l’arrêt d’exil. Sa demande fut appuyée par des grands d’Espagne, ses amis.

Peut-être Ferdinand, qui avait plus à cœur les intérêts de son trésor que ceux de sa foi, aurait-il accepté la proposition d’Abrabanel. Mais, dès que Torquemada eut appris au palais la démarche