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que peu d’années dans ce pays, où ils furent relancés par la haine de Ferdinand. Sur les instances de ce dernier, le roi de Navarre les contraignit à choisir entre l’émigration et le baptême. La plupart se convertirent, parce qu’on ne leur laissa qu’un délai très court pour se décider. Même dans la communauté de Tudèle, si connue pour sa piété, cent quatre-vingts familles acceptèrent le baptême.

D’autres proscrits encore n’eurent pas trop à souffrir de l’arrêt d’expulsion : ce furent ceux qui, considérant dès l’abord la décision du couple royal comme irrévocable, partirent avant l’expiration du délai qu’on leur avait accordé, pour se rendre en Italie, en Afrique ou en Turquie. À ce moment, l’émigration était encore facile, car les Juifs d’Espagne avaient une renommée si grande et la sentence de bannissement avait produit dans l’Europe une telle sensation que les navires affluèrent dans les ports d’Espagne, venus du pays même ou de l’Italie, surtout de Gênes et de Venise, pour se mettre à la disposition des exilés.

Avant leur départ, de nombreux Juifs d’Aragon, de Catalogne et de Valence avaient envoyé des délégués auprès de Ferdinand lei, roi de Naples, pour lui demander l’autorisation de s’établir dans son pays. Libre de préjugés à l’égard des Juifs et ému de compassion devant la catastrophe qui les frappait, ce souverain leur ouvrit toutes larges les portes de son État. Peut-être aussi espérait-il que leur présence servirait les intérêts matériels et intellectuels de son royaume. Plusieurs milliers de Juifs espagnols débarquèrent donc à Naples et y reçurent un excellent accueil. Leurs coreligionnaires italiens les reçurent en frères, secourant les pauvres qui ne pouvaient pas s’acquitter de leurs frais de voyage et subvenant provisoirement à tous leurs besoins.

Parmi les proscrits espagnols réfugiés à Naples se trouvait également Abrabanel avec sa famille. Dans les premiers temps de son séjour, il vécut retiré, uniquement occupé à commenter les livres historiques de la Bible, travail qu’il avait dû interrompre en Espagne pour se mettre au service de l’État. Mais quand Ferdinand Ier eut appris sa présence à Naples, il le fit appeler pour lui confier un emploi élevé, probablement la direction des finances.