Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 4.djvu/436

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esclaves. Pour se procurer les ressources nécessaires, on alla jusqu’à vendre les ornements des synagogues. Elkana Capsali, chef de la communauté de Candie, recueillit avec un zèle infatigable des subsides en faveur de ces malheureux. Des Persans, qui se trouvaient à Corfou lors de l’arrivée des proscrits espagnols, en achetèrent un certain nombre, dans l’espoir que les Juifs de leur pays leur payeraient une forte rançon.

De tous les exilés juifs d’Espagne, les plus heureux furent sans contredit ceux qui purent arriver en Turquie. Le sultan Bajazet II se montra à l’égard des Juifs bien plus humain et plus avisé que tous les princes chrétiens ; il comprenait de quelle utilité seraient pour son pays l’intelligence et l’activité des proscrits espagnols. Aussi invita-t-il les fonctionnaires des provinces européennes de son empire à faire bon accueil aux émigrants juifs, leur défendant, sous peine de mort, de les persécuter ou de les molester. Comme la plupart des expulsés arrivaient en Turquie dans un lamentable dénuement, Moise Capsali, le grand-rabbin de Constantinople, parcourut les communautés pour recueillir des secours ; il imposa à tous les membres aisés une taxe pour le rachat des captifs espagnols. Il faut ajouter que les Juifs turcs entrèrent avec empressement dans la voie indiquée par leur chef religieux, et vinrent tous, dans la mesure de leurs ressources, au secours de leurs frères d’Espagne. Ceux-ci s’établirent par milliers dans la Turquie, et, avant qu’une génération eût disparu, ils eurent conquis la direction du judaïsme turc et purent faire prévaloir leurs idées, leurs usages et leurs traditions.

En Portugal aussi, les bannis trouvèrent, au début, le calme et la sécurité. Un grand nombre d’entre eux s’étaient décidés à se diriger vers ce pays, voisin de l’Espagne, parce qu’ils espéraient qu’après leur départ la population espagnole apprécierait mieux lei services qu’ils avaient rendus et qu’ils pourraient encore rendre à leur patrie, et que Ferdinand et Isabelle ne tarderaient pas à les rappeler. Au pis aller, se disaient-ils, ils pourraient toujours s’embarquer en Portugal, pour gagner soit l’Afrique, soit l’Italie. On sait qu’Isaac Aboab et d’autres délégués étaient allés demander au roi João II l’autorisation pour leurs coreligionnaires de s’établir dans ses États. Tout en étant d’avis de les recevoir