Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 4.djvu/69

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par le roi d’avoir eu la noblesse de pleurer un Juif mort, à une époque où tant de musulmans dénigrent leurs coreligionnaires vivants.

Les troubles de Grenade étaient le premier mouvement dirigé contre les Juifs, depuis que les musulmans dominaient en Espagne. Cette persécution semble avoir duré un certain temps, car les Juifs de tout le royaume furent contraints de vendre leurs immeubles et de s’expatrier. Heureusement, les souverains des divers royaumes de l’Espagne étaient jaloux les uns des autres, et quand les Juifs étaient persécutés par un de ces princes, ils recevaient un accueil bienveillant de l’autre. C’est ainsi que Joseph ibn Migasch Ier, expulsé de Grenade, fut nommé à un poste élevé par Almouthadid, roi de Séville, et qu’un autre prince, le roi Almouktadir Billah, de Saragosse, avait comme vizir un autre Juif, Abou Fadhl Hasdaï. Ce ministre (né vers 1040) était le fils du poète Joseph ibn Hasdaï, le rival d’Ibn Gabirol. Lui-même était également poète, mais il était aussi versé dans les sciences et s’occupait de musique et surtout de philosophie.

Peu de temps après la persécution de Grenade, mourut Ibn Gabirol. Dans ses dernières années, il s’était renfermé de plus en plus dans ses tristes pensées et sa sombre mélancolie. Ses dernières compositions sont des élégies sur la destinée cruelle des Juifs : Hélas ! s’écrie-t-il, l’esclave gouverne les fils de rois ! Depuis mille ans, Israël est exilé et ressemble à l’oiseau qui gémit dans le désert. Où est le grand-prêtre qui lui annonce enfin la délivrance ? — Nos années, dit-il encore, passent dans la misère et dans l’affliction nous attendons la lumière et nous sommes plongés dans les ténèbres et l’avilissement. Des esclaves sont nos maîtres. Après avoir erré dans bien des villes, il mourut à Valence en 1069 ou 1070, à peine âgé de cinquante ans. À en croire une légende, un poète arabe, jaloux de son talent, l’aurait tué et enterré sous un figuier. Cet arbre aurait alors produit des fruits en si grande abondance qu’il aurait attiré l’attention sur lui. C’est ainsi que le crime aurait été découvert.