Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 4.djvu/86

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richesses jusqu’après le départ des croisés ; c’est ce qu’ils firent. Plus de mille trois cents Juifs étaient campés dans la cour de la demeure archiépiscopale, en proie à la plus poignante angoisse et adressant au ciel de ferventes prières. Le mardi 3 siwan (27 mai), dès l’aube, Emmerich arriva avec ses bandes et envahit la résidence de l’archevêque. Les horribles scènes de Worms se renouvelèrent alors à Mayence. Des vieillards, des femmes, des enfants s’entr’égorgèrent ou furent massacrés par leurs persécuteurs. Tous les mille trois cents Juifs qui s’étaient enfermés dans le palais de l’archevêque périrent ; Ruthard partagea avec Emmerich les trésors qui lui avaient été confiés. Ici, comme à Worms, très peu de Juifs consentirent à recevoir le baptême. Dans un moment de trouble, un certain Isaac et ses deux filles, ainsi que son ami Uria, avaient embrassé le christianisme ; mais ils se repentirent bientôt de leur apostasie. L’avant-veille de la Pentecôte, Isaac égorgea lui-même ses deux filles, mit le feu à sa maison, puis se rendit avec Uria à la synagogue, qu’il incendia. Tous deux périrent dans l’incendie. Le feu se propagea rapidement et réduisit en cendres une grande partie de la ville.

Après Mayence, ce fut le tour de Cologne. Les croisés, sous la conduite de Guillaume le Charpentier, se réunirent autour de cette ville à la veille de la Pentecôte. Émus de pitié sur le sort qui menaçait les malheureux Juifs, les bourgeois de Cologne les accueillirent dans leurs maisons. Le lendemain, quand les croisés envahirent les maisons des Juifs, ils les trouvèrent vides. Dans leur fureur, ils brisèrent tout, portes, fenêtres, meubles ; ils s’en prenaient surtout aux rouleaux de la Loi, qu’ils déchiraient et foulaient aux pieds. C’était au matin de la Pentecôte. Un tremblement de terre qui survint ce même jour, au lieu d’effrayer les croisés et de calmer leur soif de destruction, surexcita encore leur rage, ils disaient que le ciel lui-même les aidait dans leur œuvre d’extermination. Dans la crainte que les Juifs ne pussent pas échapper plus longtemps aux coups des croisés, s’ils restaient dans la ville même, le généreux évêque de Cologne, Hermann III, dont le nom mérite d’être recommandé à la vénération de la postérité, les fit partir secrètement pour les cacher dans des villages voisins qui lui appartenaient. Ils y passèrent trois semaines, s’attendant