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Page:Grande Encyclopédie I.djvu/46

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ABANO — ABAQUE
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l’histoire. Sa biographie, écrite sans autres documents que les détails sommaires renfermés dans le Conciliator, présente des lacunes qu’il est impossible de combler. Son père, appelé Constanzo, était notaire dans la localité ; tout fait supposer qu’il reçut une instruction soignée, mais les notions qu’on pouvait acquérir dans les écoles de l’Italie au xin 8 siècle ne le satisfirent point ; comme Arnauld de Villeneuve, son contemporain, il voyagea de bonne heure ; au lieu de se diriger vers l’Espagne musulmane, il fut en Grèce d’abord. Le père Niceron croit qu’il passa plusieurs années à Constantinople, Papadopoli suppose qu’il resta dans un comptoir vénitien sur les côtes de la Morée ou de Négrepont. Pierre apprit à fond la langue grecque à peu près inconnue dans l’Europe occidentale, puis vint à Paris. C’est là qu’il étudia la médecine, la philosophie, et réunit les matériaux de ses livres ; il voyagea en Angleterre, en Ecosse ; enfin il acquit une telle réputation de science et surtout d’habileté que la ville de Padoue lui offrit une rétribution annuelle de 4, 000 livres s’il voulait venir enseigner la médecine dans ses écoles ; cette proposition fut acceptée en 1303. Pierre eut autant de succès comme professeur que comme praticien. 11 savait comme les Arabes interroger le ciel ; il avait fait peindre sur la voûte de son amphithéâtre 200 figures astrologiques. Cette innovation fit merveille : lorsque plus tard l’Inquisition eut condamné P. d’Abano, on les conserva. Après l’incendie de l’établissement, en 4420, le peintre Giusto les refit de mémoire. — Le public partagea l’enthousiasme des écoliers : Pierre était le médecin le plus estimé de Padoue ; il demanda, dit-on, 400 écus d’or par jour au pape Honorius IV qui l’avait appelé. Sa situation fit des envieux : de mauvais bruits coururent sur son compte. Abano avait d’ailleurs la langue prompte et l’imagination hardie, puis l’étude d’Averroès avait laissé dans son esprit un scepticisme peu chrétien ; il souriait quand on parlait de Satan, haussait les épaules au récit des miracles des saints ; un jour même il avait osé dire que si Lazare s’était levé si vite au commandement du Christ, c’est qu’il n’était sûrement pas mort quand on l’avait mis au tombeau. On étaya là-dessus une accusation terrible : dès l’année 1306 un rival jaloux, le médecin Pierre de Reggio, le dénonça à l’Inquisition comme coupable de magie, d’hérésie et d’athéisme ; il suffisait d’apporter une preuve à peu près vraisemblable pour l’envoyer au bûcher. L’amitié de trois de ses clients le sauva pour cette fois ; les poursuites furent reprises en 1315. Pierre mourut en prison ; l’affaire n’en suivit pas moins son cours ; on eut beau protester contre les témoignages ; produire en audience publique le testament dans lequel il déclarait son attachement à la foi catholique, faisait des legs généreux à ses amis, à la ville, à l’église, le tribunal passa outre et le défunt fut condamné. Sa domestique Marietta ne voulut point que son cadavre subit l’ignominie du bûcher : elle l’enleva de sa sépulture provisoire, et, lorsque les colères et les rancunes fuient calmées, elle le fit ensevelir dans l’église Saint-Pierre de Padoue. Si nous ne tenions pas compte du moment où fut écrit le livre de Pierre d’Abano, nous nous expliquerions mal l’enthousiasme qu’il a excité : il renferme des légendes puériles ; on n’y trouve presque jamais une réflexion pratique. L’auteur a voulu concilier la philosophie et la médecine, et, comme les autres scolastiques, il s’entend parfaitement à multiplier les divisions, à tout confondre. L’air est-il chaud ou froid par nature ? Vaut-il mieux avoir la tète grosse que petite ? Les indications thérapeutiques sont basées sur la physiologie sidérale ; c’est la Lune qui règle les crises : si vous voulez les provoquer, saignez dans le second quartier ; il faut faire les instruments de chirurgie en 1er parce que le fer est le métal de Mars.

Le traité des poisons est rédigé d’après un plan différent. L’auteur, au lieu de discuter, se borne à résumer les notions admises, à donner des conseils sur la manière de reconnaître les empoisonnements, à indiquer les contrepoisons. Son travail ressemble aux antidotaires si nom breux de cette époque. Pour reconnaître si une morsure a été faite par un chien enragé, par exemple, il emploie un procédé bizarre : faites tremper un morceau de mie de pain dans le sang de la plaie et présentez-le à un autre chien ; s’il refuse d’y toucher c’est que l’animal qui a mordu était enragé. — Les œuvres de Pierre d’Abano ont eu de nombreuses éditions ; une des meilleures est celle de Venise, (Conciliator controversiarum quœ inter philosophos et medicos versantur ; Venise, 1565, in-fol., suivi de : De Remediis venenorum). D r L. Thomas.

Bibl. : Mazzuchelli, Raccolla d’opuscoli scientifici e fîsiologici ; Venise, 1741, in-12, t. XX111. — Uoulin, Notice historique et critique sur la vie d’Abano, dans ies Mémoires littéraires et critiques pour servir a l’histoire de la médecine ; Paris, 1715, p. 15, avec une indication bibliographique très complète de tous les travaux de P. d’Abano et de ceux qui lui sont attribués.

ABANTES. Peuplade d’origine douteuse que l’on rencontre en diverses régions, notamment en Eubée. On expliquait leur nom en disant qu’ils étaient venus d’Abæ, en Phocide, ou qu’ils descendaient d’un Abas quelconque. Ils se rasaient, parait-il, le devant de la tête et portaient derrière une longue tresse. Ils figurent parmi les guerriers qui prirent part au siège de Troie, après quoi ils se dispersent en petits groupes et disparaissent de l’histoire.

ABANTIADE. Nom générique signifiant descendant d’Abas, roi d’Argos (V. Acrisius, Persée).

ABANTIDAS, fils de Paseas, tyran de Sicyone de 264 à 251 av. J.-C. Il s’empara du pouvoir en mettant à mort ceux qui lui faisaient obstacle, entre autres l’archonte Clinias, père d’Aratus. C’était cependant un lettré, et il assistait à une leçon de philosophie lorsqu’il fut assassiné à son tour par des conjurés qui ne réussirent pas à extirper la tyrannie (V. Paseas).

ABAQUE. I. Antiquité. — Dans l’antiquité on donnait le nom d’abaque à une tablette couverte d’un sable fin ; on traçait sur ce dernier des nombres et des lettres, pour apprendre aux enfants à calculer et à lire. On appelait aussi abaque un cadre long muni de boules qui servait à compter (V. Abacus).

IL Architecture. — Tablette (figurée en A-B dans la fig. ci-dessous) qui couronne le ebapiteau d’une colonne ou d’un pilastre. Elle donne au chapiteau une surface plus large, permettant de recevoir la naissance des arcs ou l’architrave, qu’elle précède immédiatement. L’a Abaque de la cathédrale d’Auxerre ; xiip siècle.

baque dut être pendant longtemps l’unique chapiteau. sa surlace servait de transition entre la colonne et ce qu’elle supportait. En effet, son importance est surtout remarquable dans les ordres d’architecture les plus anciens. L’abaque, avec un autre membre plus petit appelé V échine, constitue tout le chapiteau dorique. Plus tard, l’abaque se modifia, se compliqua de moulures et d’ornements de toutes sortes, mais sans cesser de conserver son rôle de couronnement du chapiteau. Dans les ordres corinthien et composite, les quatre faces sont échancrées par un arc de cercle et les