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Page:Grande Encyclopédie XXIX.djvu/50

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SACREMENT

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sacrements de la Nouvelle Loi n’ont pas tous été institués par Jésus-Christ ; qu’il y en a plus ou moins de sept, ou que quelqu’un de ces sept n’est point proprement et véritablement un sacrement ; — 2° que ces sacrements ne sont différents de ceux de l’Ancienne Loi qu’en ce que les cérémonies et les pratiques extérieures sont diflérentes ; — 3° qu’ils ne sont point nécessaires au salut, et que sans eux ou sans le désir de les recevoir, les hommes peuvent obtenir, par la foi seule, la grâce de la justification ; — 4° qu’ils n’ont été institués que pour entretenir seulement la foi ; — 5° qu’ils ne confèrent point la grâce dont ils sont le signe, ou qu’ils ne confèrent point cette grâce à ceux qui n’y mettent point d’obstacle, comme s’ils étaient seulement des signes extérieurs de la justice ou de la grâce qui a été reçue par la foi, ou de simples moyens de distinction des religions, par lesquels on reconnaît dans le monde les fidèles parmi les infidèles.

La cause principale de l’effet intérieur des sacrements, c’est Jésus-Christ comme Dieu, par sa puissance souveraine ; la CAUSE MÉRITOIRE ET EFFICIENTE, c’est JéSUS-Christ, comme homme, par le mérite de sa passion, qui est la cause méritoire et instrumentelle de notre justification. En effet, les mérites de la passion du Fils de Dieu agissent dans les sacrements ; les sacrements sont célébrés par l’invocation de son nom, et ils ont reçu leur vertu de l’institution qu’il en a faite. — Quoique les sept sacrements aient pour fin commune la justification des hommes, et que l’Eglise catholique prétende qu’ils ont tous élé instués par Jésus-Christ, le concile de Trente a marqué entre eux des différences établissant des degrés de supériorité ou d’infériorité. Son canon III édicté l’anathème contre ceux qui disent que les sept sacrements sont tellement égaux qu’il n’y en a aucun plus digne que l’autre, en quelque manière que ce soit. Ils ont été ainsi classés selon l’ordre de leur excellence : 1° [’Eucharistie, parce qu’elle contient le corps et le sang de Jésus-Christ ; 2° le Baptême, parce qu’il est le sacrement le plus nécessaire ; 3° l’Ordre et la Confirmation, à cause de la perfection où ils portent les hommes ; 4° la Pénitence et Y Extrême-Onction. Le Mariage, qui doit, sous peine d’excommunication, être considéré comme inférieur au célibat, est naturellement le dernier, puisqu’il a pour effet de faire descendre d’un degré supérieur à un degré inférieur. Aucun d’eux n’est superflu ; tous sont nécessaires pour les situations qu’ils regardent ; mais ils ne sont pas tous également nécessaires, et tous ni’ concernent point toutes les personnes. Cela appert manifestement de la doctrine ecclésiastique sur l’Ordre et sur le Mariage. — La matière des sacrements est la chose sensible qui y est employée : eau, huile, chrême, pain, vin, mains. Ces objets constituent la matière éloignée. La matière prochaine résulte de leur application ou de l’action qui se fait lorsque le ministre confère le sacrement. La forme est produite par les paroles jointes aux choses sensibles qui font la matière du sacrement. Le changement introduit par le ministre dans la matière ou dans la l’orme rend le sacrement nul, si ce changement est substantiel ; mais non, s’il n’est qu’accidentel, c.-à-d. n’altérant pas ce qui est essentiel dans la matière ou dans la forme.

A l’exception du baptême, qui peut en cas d’urgence être administré par des laïques, les sacrements ne sont valablement conférés que par les ministres qui ont été ordonnés pour exercer cette fonction. Il faut de plus que ces ministres, lorsqu’ils font ou contèrent les sacrements, aient l’intention de faire ce que l’Eglise fait. Mais lorsqu’ils ont observé toutes les choses essentielles qui regardent la confection ou la collation, le sacrement produit son effet, alors même que le ministre se trouve en état dépêché mortel. Les canons X, XI et XIII prononcent l’anathème contre ceux qui contestent ces maximes. — Les sacrements confèrent la grâcesa notifia nte, que les théologiens divisent en grâce justifiante et en grâce sacramentelle. La grâce sacramentelle renferme des secours particuliers, qui disposent les fidèles à parvenir à la fin spéciale du sacrement qu’ils reçoivent. Le canon VII affirme que cet effet est produit par la vertu et la force que contiennent les sacrements de la Nouvelle Loi ; les théologiens disent : ex opère operato ou per opus operalum, c.-à-d. par la vertu de l’action qui se fait, laquelle consiste dans l’application de la forme à la matière (adjonction des paroles aux éléments sensibles) et dans l’application de la forme et de la matière à celui qui reçoit le sacrement. Il suffit que celui-ci n’y mette point obstacle, car les sacrements ne sont pas seulement des signes extérieurs de la justice ou de la grâce qui a été reçue par la foi (canon VI). Les pères ne se sont jamais servis de cette expression : Opus operalum. Albert le Grand (lib. IV, dist. 26, art. 14) parait être le premier qui l’ait employée. En son commentaire du ch. vide l’Evangile selon saint Jean, il la définit ainsi : Opus operalum est perfectio externi operis, sine motu interna, c.-à-d. l’effet parfait produit par l’œuvre externe, indépendamment du mouvement intérieur. D’après lui, cinq sacrements agissent ex opère operato ; les deux autres. Pénitence et Mariage, ont besoin de Vopus opérons de ceux qui les reçoivent. Duns Scot (lib. IV, dist. I, quœst. 6) est un de ceux qui ont formulé cette doctrine avec le plus de précision : « Le sacrement confère la grâce par la vertu de l’oeuvre opérée, de sorte que n’est point requis ici un bon mouvement intérieur qui puisse mériter la grâce, mais qu’il suflit que celui qui reçoit le sacrement n’oppose point d’obstacle ». Des canons que nous avons cités, il semble bien résulter que le concile de Trente a approuvé presque littéralement cette doctrine.

Les caractères imprimés par les sacrements du Baptême, de la Confirmation et de l’Ordre, ont été décrits dans une notice spéciale (t. IX, p. 270, 2 e col.). — Les particularités relatives à l’institution, à la fin, à la matière, à la forme, au ministre, et aux effets des divers sacrements, sont indiquées, avec les développements nécessaires, dans les articles affectés à chacun deux. La plupart des églises protestantes ne reconnaissent que deux sacrements : le Baptême et la sainte Cène, parce que ce sont les seuls dont en puisse, avec certitude, faire remonter l’institution à Jésus-Christ. — Luther considérait les sacrements comme communiquant réellement la grâce. Dans ses deux Catéchismes, il affirma le caractère objectif des sacrements, lequel résulte de l’union de l’élément matériel avec la parole ; mais il insistait avec non moins de force sur la nécessité de la foi ; et il combattit toujours la doctrine scolastique de l’Opus operalum. La confession d’Augsrourg contient l’expression officielle de l’enseignement des Eglises luthériennes sur celte matière : « Quant au Baptême, on enseigne qu’il est nécessaire au salut, et que par ce moyen, la grâce de Dieu nous est offerte (art. 9). » « Pour ce qui est de la Cène du Seigneur, on enseigne que le vrai corps et le vrai sang de Christ sont réellement présents, sous les espèces du pain et du vin, et qu’ils y sont distribués et reçus par les communiants (art. 10). » « Touchant V usage des sacrements, on enseigne qu’ils ont été institués, non seulement pour être des signes auxquels on reconnaît extérieurement les vrais chrétiens, mais aussi pour être des signes et un témoignage de la volonté de Dieu envers nous, pour exciter, fortifier et confirmer notre foi. On en fait un usage salutaire, quand on les reçoit avec foi, et que par eux on est affermi dans la foi (art. 13). » — Pour ce qui concerne les Eglises formées à l’école de Calvin, voici les art. 3î et 33 de la vieille confession de foi des Eglises réformées de France : « Nous croyons que les sacrements sont adjointes à la parole, pour plus ample confirmation, afin de nous estre gages et marreaux de la grâce de Dieu, et par ce moyen aider et soulager notre foy, à cause de l’inhrmité et rudesse qui est en nous ; et qu’ils sont tellement signes extérieurs que Dieu besongne par iceux en la vertu de son Esprit, afin de nous y rien signifier en vain ». ’fou-