Page:Grande Encyclopédie XXVIII.djvu/1273

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

LA GRANDE ENCYCLOPÉDIE

S

S. I. Phonétique. — Dix-neuvième lettre de l’alphabet latin. Si l’on considère que le %, ou la sifflante douce du français, est emprunté à l’alphabet grec, on peut dire que le s constitue à lui seul, en latin, la catégorie des sifflantes. En grec, le sigma ( ;) qui lui correspond est, en général, remplacé à l’initiale par l’esprit rude (’) qui n’en est qu’un état affaibli. Le sanscrit a nuancé davantage encore la sifflante forte, dont le son et la figure varient non seulement sous l’influence des gutturales-palatales, des linguales et des dentales, mais aussi, dans certains cas, à la tin des mots où le visarga vient la remplacer à titre de sifflante modifiée.

Bien des faits donnent à croire que, dans la langue mère indo-européenne, le s n’était pas primitif. Le grec surtout fournit de nombreux indices de la substitution par voie d’assimilation régressive du groupe aa réduit souvent à a à un antécédent Ç ; exemples : ïva ?a-a auprès de SwaÇ ; cjv pour *c :uv auprès de ;ûv ; rikrfe auprès de yj.y. :, etc.

L’évolution phonétique ne s’en est d’ailleurs pas tenue là. Ln sanscrit, en tant que finale, les, sous l’influence d’une lettre douce initiale du mot suivant, se rhotacise ou devient r, dans la plupart des cas. L’étymologie nous montre que la même modification a du se produire à une haute époque dans toutes les langues de la famille. De plus, le grec et le latin présentent de concert un phénomène modificateur de la sifflante sous l’influence d’une même cause, mais avec des effets différents : entre voyelles à l’intérieur d’un mot, le ; grec tombe, probablement après avoir passé par l’intermédiaire d’un esprit ; alors qu’en latin, dans les mêmes circonstances, s se rhotacise. Exemples : yivjo ; pour *Ycve3-o ; ; Iat. gener-is pour *</en£S-is (cf. sanscrit correspondant janas-as).

Rien de plus fréquent, dans toutes les langues de la famille, que la chute pure et simple de s à titre de terme initial d’un groupe de consonnes où la sifflante est suivie d’une explosive. Exemples : /âÇ<o auprès de o/âÇw ; lat. tc(jo auprès de GrÉj-co ; lat. fullo auprès de ■r. ?à).Ào>, etc. En latin, quand l’explosive est douce, le .s tombe régulièrement, comme dans idem pour *isdrm, sedecim pour

  • St S-decim venant lui-même de *sex-deciin, etc.

Notons aussi le rhotacisme fréquent en grec et en latin du t final d’un groupe rs ; exemples : appr,v auprès de àccoijv : lat. torreo pour *torseo, cf. TÉpaopai, etc. En passant au français, le s entre voyelles du latin (qui ne s’est pas rhotacise) s’est adouci et prend régulii renient le son . ; exemple :chose, prononcez choie auprès GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XXVIII.

du lat. causa, etc. ; if en est de même d’ailleurs dans les mots empruntés aux dialectes germaniques ; exemple : aise prononcez ’aix-e auprès de l’angl. ease, etc. A la fin des mots et comme signe ou non du pluriel, s, en général, ne se prononce que quand il y a lieu de marquer la liaison avec le mot suivant à voyelle initiale, et, dans ce cas, il y a application de la règle de l’adoucissement du s entre voyelles ; exemple : des filles ingrates, prononcez des filiez ingrates.

Enfin, après la diphtongue au venant de al, le s du pluriel est remplacé graphiquement par x : des chevaux pour des *chevals, les cieux pour les ciels, etc. Dans les adjectifs en eux, comme ambitieux, cette finale correspond au latin osus (anibitiosus). Paul Kecnaud. IL Paléographie. — L’hiéroglyphe auquel remonte, par l’intermédiaire du signe phénicien (Sliiii), le S grec, représentait un « jardin inondé » avec plusieurs tiges de papyrus ou de lotus, poussant dans l’eau au milieu du jardin. Les Phéniciens, en empruntant cette lettre aux Egyptiens, simplifièrent le signe en en supprimant la partie inférieure. En passant aux Grecs, la lettre fut placée en sens inverse, ce qui la fait ressembler à un M, ou écrite verticalement et tournée tantôt vers la gauche et tantôt vers la droite, suivant le sens de l’écriture. Réduite de quatre traits à trois seulement, elle fut transmise aux Latins.

L’S épigraphique est une des lettres où la proportion des pleins et des déliés s’observe le mieux. Du vi e au vin c siècle, les formes antiques de ES épigraphique perdirent leur pureté et leur élégance. Les courbes furent remplacées par des angles. La lettre prit souvent l’aspect d’un Z retourné. Elle eut aussi une position inclinée ou complètement couchée sur la ligne de l’écriture.

L’S cursive antique fut quelquefois introduite dans les inscriptions dès le nr siècle ap. J.-C. et surtout à l’époque barbare (tabl. n" 2, fig. 3 des inscriptions du vn e et du vni e siècle).

Dans les manuscrits en capitale, les pleins et les déliés se remarquent dans les deux formes de la capitale carrée et de la capitale rustique. Les pleins et les déliés sont ensuite beaucoup moins accusés, jusqu’à l’époque de la renaissance carolingienne. L’S capitale est plus haute que large. La base de la lettre est souvent prolongée, presque en ligne droite, vers la gauche.

L’S onciale se développe souvent autant en hauteur qu’en largeur. Dans l’onciale primitive, du V e au vm e siècle, 7 !)