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Page:Grande Encyclopédie XXVIII.djvu/1278

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SAADET — SAADI

— 1254 —

se réunissent les pèlerins du Yéraon avant de se mettre en route pour La Mecque. E. Blochet.

SAADI (Muscherrif ed Din), le plus célèbre poète persan, né à Chiraz vers 1484 (380 de l’hégire), mort en déc. 4291 (690 H.). Il était le fils d’un certain Moslih ed Din Abd Allah, officier au service de l’atabek du Fars, Saad ibn Zengi (1195-1226). C’est cette circonstance qui lit donner au poète le nom de Saadi, qui signifie « client de Saad ». Il perdit son père d’assez bonne heure, et sa jeunesse parait lui avoir laissé des souvenirs assez pénibles dont on retrouve l’écho dans la compassion qu’il montre dans toutes ses œuvres pour les orphelins. Il est probable que déjà à Chiraz, où il commença ses études, il s’était affilié à la secte des sofis, qui jouissait alors d’une grande considération, non seulement en Perse, mais dans tout le monde musulman, même parmi les Cunnites. Saadi commença à voyager très jeune, et ilquitta tout d’abord Chiraz pour se rendre à Bagdad oii il comptait suivre les leçons des plus célèbres docteurs de l’islamisme ; bien que très déchue de son ancienne splendeur, Bagdad était encore le centre moral du monde musulman, et les désastres successifs qui avaient à peu près ruiné l’autorité temporelle du khalii’at abbaside n’avaient porté que peu d’atteinte à son hégémonie intellectuelle. Saadi suivit les cours du collège Nizami, où il se lia d’une vive amitié avec l’un des plus célèbres cheikhs du soufisme, Schihab ed Din el Sohraverdi, l’auteur d’un traité de mysticisme, intitulé Avarif el Méarif. Son séjour à Bagdad et les leçons qu’il reçut de ce docteur paraissent l’avoir confirmé dans son intention d’embrasser le genre de vie des soufis et de s’adonner à la vie contemplative, sans toutefois renoncer complètement au monde et sans traiter tout ce qui existe de contingences sans aucune réalité. Saadi appartient à cette classe particulière des soufis. dont le livre principal est justement le traité mystique du cheikh Sohraverdi, qui s’écarte complètement des mystiques avancés, tels que Mohyi ed Din el Arabi et même Nour ed Din Djami. Daulct Chah rapporte dans son Tezkeret el Choara que Saadi se rendit à La Mecque pour y faire le pèlerinage quinze fois de suite et qu’il y alla plusieurs fois à pied. Son humeur voyageuse l’entraîna à visiter la plus grande partie du monde musulman, et il semble qu’il l’ait fait sans avoir jamais eu beaucoup d’argent à sa disposition, car il dut, à Jérusalem, se faire porteur d’eau pour pouvoir subvenir à ses besoins, eton voitparplusieurs passages du Goulistan que ses voyages ne furent pas toujours des parties de plaisir. Parmi les villes et les pays qu’il parcourut, Saadi cito, tant dans le Boustan que dans le Goulistan, Damas, Jérusalem, Balbek, Basrah, l’Egypte, le Magreb, le Diarbekr, le Turkestan, l’Abyssinie, le pays de Uoum et l’Hindoustan. Ces voyages étaient très faciles à entreprendre pour les musulmans, même les moins favorisés de la fortune, surtout quand ils étaient affiliés aux sectes souiies, ce qui leur procurait presque assurément le gite et le couvert chez un compagnon ou dans un des monastères qui étaient richement dotés par des fondations pieuses. Saadi raconte lui-même qu’en Syrie, il tomba aux mains des Francs, qui, n’ayant pu tirer de lui une rançon suffisante, le réduisirent en esclavage et le forcèrent à travailler avec des juifs au curage des fossés de Tripoli. Un habitant. d’Alep, qui le connaissait, le racheta et lui donna même sa fille en mariage avec 100 pièces d’or. Cette union fut très malheureuse, et le caractère acariâtre et violent de la fille de son bienfaiteur ne put jamais cadrer avec l’humeur insouciante de Saadi ; cela ne l’empêcha pas de se remarier plus tard avec une femme qui semble l’avoir accompagné dans toutes ses pérégrinations et dont il eut un enfant qu’il perdit en bas âge. Les deux voyages les plus importants que fit Saadi sont ceux du Turkestan el de l’Inde. Il raconte dans le ch. v(§ 15) du Goulistan qu’il poussa jusqu’à Kaschgar, après avoir visité sans nul doute Samarcande, Bokhara et les villes du Ferghanah, et qu’il arriva dans cette capitale l’année même où le sultan Mohammed Khoarizmchah (il la paix avec le souverain du Khitaï, c.-àd. très peu de temps après l’année 600 de l’hégire. Son voyage dans l’Inde, et surtout dans l’Inde non musulmane. esl l<- plus célèbre de tous, et il ne l’entreprit que par curiosité et non pas, comme on l’a quelquefois prétendu, pour aller faire la guerre aux infidèles ; d’ailleurs, pas plus qu’Horace, le poète persan ne se faisait pas d’illusion sur sa bravoure et sur ses capacités militaires ; en face d’un danger, même minime, il ne se faisait aucun scrupule d’y échapper parla fuite. Il visita dans le Gouzerate la fameuse idole de Siva qui était adorée dans la ville de Somenat, et il raconte dans le Boustan qu’il mystifia d’une façon assez cruelle les ministres du culte que l’on rendait à cette idole ; à ce propos, Saadi montre qu’il n’était pas très versé dans la connaissance des religions étrangères, car il prend constamment les prêtres dé Siva pour des mages adorateurs du feu. Il se pourrait d’ailleurs que cette histoire ne soit qu’une pure invention du poète, car les prêtres de Siva n’étaient pas si naïfs qu’il le prétend.

Saadi revint à Chiraz un peu avant l’année 650 de l’hégire (1258 J.-C.)etil s’établit dans un petit ermitage en dehors de la ville ; c’est dans cette retraite et cette même année qu’il écrivit ses deux ouvrages les plus célèbres, le Boustan et le Goulistan, tous les deux dédiés à l’atabek du Fars, Abou Bekr ibn Saad ibn Zengi. Il termina sa vie dans cette ville, entouré du respect de tous et comblé de marques de considération par les souverains et même par les khans mongols. Le grand vizir Shems ed Din Djouveïni Sahib Divan, qui fut chancelier du nouvel empire depuis le règne de Houlagou jusqu’à l’avènement d’Argoun, traita le vieux poète avec libéralité, et Abaga Khan, fils de Houlagou, se le fit présenter. On comprend que Saadi, arrivé déjà à un âge aussi avancé, n’ait pas pu accepter les offres du sultan du Moultan, Mohammed ibn Ghyas ed Din Balahan (670-683 H.), qui l’invitait à venir se fixer à sa cour.

L’œuvre poétique de Saadi, sa lioulliat, comme l’on dit en Perse, comprend dans les meilleurs exemplaires vingt-deux traités de longueur très inégale et qui ont été recueillis par un nommé Ahmed Nasik ibn Sasan. Elle est donc très inférieure comme dimensions à celles de Djami, de Nizami ou de Khosrav Dehlevi, et il est certain qu’il n’a pas l’envergure poétique des poètes qui vécurent après lui. Cela n’empêche pas ses œuvres d’être plus goûtées en Perse que celles de beaucoup d’autres littérateurs, peut-être justement parce qu’elles sont à la portée de tout le monde et que, sauf un chapitre du Goulistan et quelques vers détachés d’une authenticité douteuse, elles ne contiennent rien qui choque la morale la plus sévère. Nous possédons de Saadi, en dehors d’un Divan (dont Graf a publié de charmants extraits dans Zeitschrifï (1er deutschen morgenlaendischen Gesellschaft, et dont Buckert a traduit en -1894 les Poésies politiques), le Goulistan (Jardin des roses), réimprimé plus de cent fois en Orient et fréquemment en Décident. Les meilleures éditions sont celles de Sprenger (Calcutta, 1851), Johnson (1863) et Plates (Londres, 1871) ; les meilleures versions allemandes sont celles de Graf (Leipzig, 1 8 i (j ) et Resselmann (Berlin, 1864) ; française, celle de Defrémerv (Paris, 1858) ; anglaises, celles de Castwick (Hertfort, 1852), Koss (Londres). Le Goulistan est un ouvrage de morale en prose, procédant tantôt par récits, tantôt par réflexions et contenant de nombreux vers. Le Boustan (Jardin des arbres), publié avec des commentaires par Graf (à Vienne, 1858), par Bogers (Londres, 1891), traduit en anglais par Davie (Londres, 1883), en français par Barbier de Meynard (Paris, 1880), en allemand par Graf (Iéna, 1850) cl Ruckert (Leipzig, 1882) ; le Boustan est du même ordre que le Goulistan, mais écrit complètement en vers ; le Pend-Nâme (Livre du conseil) , fréquemment réimprimé en Orient ; édité et traduit en anglais par Gladwin, dans l’ersian moonshee (Calcutta, 1801), et par Rous-