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Page:Grande Encyclopédie XXX.djvu/336

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SOUFRE

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produits de maccalubes ou volcans de boue, analogues à ceux qu’on voit encore près de Girgenti et de Caltanisetta. Pour Travaglia, il se serait déposé d’abord, dans le fond du bassin, des matières organiques, qui auraient commencé par réduire le gypse au fur et à mesure de son dépôt, d’où une couche continue de soufre à la base ; puis, ce dépôt organique étant couvert par les premiers précipités, le gypse se serait stratitié à son tour et n’aurait plus été décomposé que localement par des hydrocarbures montant du fond, suivant quelques tissures. Gounot a objecté à cela que l’eau salée, en se concentrant, devient impropre aux fermentations microbiennes sulfhydriques, en sorte que le soufre, d’abord formé, se réoxyde ; il ne se produit pas, suivant lui, de soufre dans la nature par une réaction semblable, et il a proposé d’admettre un apport continu d’hydrogène sulfuré qui, dans sa théorie, viendrait de la profondeur. Il y aurait lieu, ce me semble, d’examiner, si, dans nombre de cas, la réduction du gypse en soufre n’aurait pas pu se produire, longtemps après le dépôt, par des eaux superficielles chargées d’hydrogène carburé ou sulfuré.

En dehors des solfatares siliciennes, les autres mines de soufre n’ont qu’une importance très minime. J’en rappellerai seulement les caractères principaux. En Routagne, près de Césena (entre Ravenne et Rimini), on exploite, au même niveau qu’en Sicile, dans le miocène supérieur, des lentilles de soufre inlerstratifiées dans des marnes calcaires et gypseuses, superposées à des tripolis. La couche solfifère a une puissance moyenne de 1 à i m. A sa base est un calcaire siliceux, dit cagnino, correspondant à celui de Sicile. Elle-même renferme des zones ou lentilles de soufre plus ou moins allongées, réparties en deux bancs principaux ; puis viennent des gypses, contenant encore des amas de soufre. Comme minéraux accessoires, on a de la sélénite en beaux cristaux, de la célestine et un peu de barytine. Dans VAvellino et en Calabre, le niveau est à peu près le même. En Espagne, les exploitations de Lorca ^Murcie), à la partie supérieure du miocène, portent suides marnes gypseuses, parfois sableuses, avec strates ou géodes de soufre et toujours un peu d’hydrocarbures ; à îas Balsas de Gador (Almeria), le soufre forme des amas dans un calcaire tertiaire, au contact de schistes triasiques. En France, à Biabaux, près de Marseille, des couches lacustres et saumâtres miocènes renferment des bancs de lignite et de schiste bitumineux, en même temps que des gypses : une réaction secondaire a donné des imprégnations de soufre dans les lignites. En Louisiane, on a trouvé, dans le miocène, une couche de soufre, associée au gypse. Près de la mer Morte, les terrasses diluviales de marnes calcaires, conglomérats et gypses, qui bordent la vallée du Jourdain, renferment des noyaux de soufre, attribués à une réaction secondaire. En Perse, dans la chaîne de l’Alberus, il y a du soufre dans des marnes gypseuses.

Extraction. — L’extraction du soufre doit être surtout étudiée dans le pays qui en fournit la presque totalité, c.-à-d. en Sicile. Les mines de Sicile sont, pour la plupart, malgré la richesse des gisements et le quasi-monopole dont elles jouissent, dans un état misérable, en rapport avec des conditions sociales très complexes, qu’ont expliqué mais non guéri, dans ces dernières années, de nombreuses enquêtes parlementaires. Par suite de la législation minière, le gisement de soufre appartient en Sicile au propriétaire de la superficie et est, par suite, aussi divisé que peut l’être celle-ci. On voit, parexemple, qu’en 189*2, le nombre des mines en activité dans la Sicile était monté à 657, occupant 33.000 ouvriers et produisant 374.000 tonnes ; deux ans après, en 1894, le nombre des mines était tombé à 487 et celui des ouvriers à 57.000, pour une production à peine plus faible de 306.000. Sur un seul gisement, celui de Lescara, ayant environ 9 .000 m.q. de superficie, il y a 364 propriétaires, divisés en 58 familles. La conséquence de cet état de choses est facile à prévoir. A peine un quart des propriétaires exploitent eux-mêmes ; les autres louent par un contrat spécial, dit gabèlla, à un gabeïloto, qui devient le fermier pour une période de neuf à douze ans, rarement vingt ans, moyennant une redevance variant de 10 à 40 °/ du produit brut. Le propriétaire impose, comme cela se passait en Grèce dans l’antiquité, certaines conditions relatives à la conservation de piliers pour empêcher l’écroulement de la mine ; le fermier est, au contraire, toujours tenté de réduire ces piliers au minimum. Propriétaires ou gabelloti font travailler, soit kïeconomia, c.-à-d. à forfait, soit à partito, c.-à-d. moyennant une somme de... par chaque carico extrait (deux paniers de soufre de 60 kilogr. chacun). Dans ces conditions, personne ne désire ou, s’il le désire, ne peut installer de méthodes d’exploitation perfectionnées. en vue d’un champ de travail un peu vaste et d’un avenir un peu lointain. Le fermier gaspille son gite ; les mineurs sont misérables ; le propriétaire, manquant de fonds, est obligé de vendre son produit dans les conditions de marché les plus défectueuses, etc., etc. Il en résulte que presque toutes les mines de soufre siciliennes présentent un aspect désordonné et précaire, qui, à bien des égards et par bien des détails, fait penser, comme je le remarquais incidemment plus haut, à des exploitations antiques. Ces mines sont, d’ailleurs, en réalité, très anciennes ; car il en est fait mention dans des documents précis depuis le xn e siècle ; mais leur développement ne date que de 1832. Sans entrer dans le détail, on peut dire que les travaux de recherche siciliens consistent surtout en descenderies étroites et souvent très redressées, dites buchi, scale, discenderie, dans lesquelles on a ménagé des degrés. Ces galeries partent d’un affleurement de terrains spéciaux, dits briscale, qui sont des calcaires solfifères, dont le soufre a disparu par altération superficielle et qui apparaissent, dès lors, cariés et corrodés. On fore ces galeries descendantes suivant la pente du gite. en traçant, de distance en distance des galeries en direction. La seule méthode d’abatage connue est celle des piliers et galeries, qui sacrifie une grande partie du gisement, au moins moitié, souvent les trois cinquièmes. L’extraction se fait, comme elle pouvait se faire il y a vingt ou trente siècles dans les mines grecques ou phéniciennes, par des gamins nommés caruzxi, emportant le minerai sur le dos ; l’épuisement a lieu par de petites pompes ou simplement par des bouteilles. Ces méthodes primitives ont été décrites en détail par Giovanni Aichino dans un long et intéressant article de YEnciclopedia délie arli industrie sur le soufre (Turin, 1897) , auquel je demande la permission de renvoyer pour les détails. La profondeur maxima des mines est de 200 m. ; 16 d’entre elles dépassent 150 m. ; 132 dépassent 100 m. : 373 restent au-dessous de 50 m. de profondeur. En 1893, les 30.000 ouvriers occupés aux mines se divisaient en 24.300 à l’intérieur, 6.700 à l’extérieur ; parmi les ouvriers de l’intérieur, il y avait 548 contremaîtres, 5.908 piqueurs (picconieri), 10.700 hommes adultes et 4.500 gamins pour les transports. Un piqueur abat en moyenne l’.4 par jour. Les mines de Romagne, beaucoup moins importantes et plus difficiles à exploiter que celles de Sicile, sont travaillées d’une façon plus rationnelle, par gradins montants. Un des nombreux périls, auxquels sont exposés les mineurs des solfares, est celui du feu. Les poussières de soufre s’enflamment avec la plus grande facilité par un coup de mine débourré, une lampe tombée ou toute autre cause, et le mineur n’arrive pas toujours à les éteindre avec l’eau qu’il garde toujours à sa portée. Les poussières peuvent, en outre, donner des explosions, dans des conditions que l’on a pu étudier sur nombre de poussières diverses, particulièrement dans les houillères, mais aussi dans les minoteries. Ces explosions s’ajoutent à celles que peut produire le dégagement de grisou, parfois contenu dans les couches solfifères. En 1867, un incendie, à Caltanisetta, fit 50 victimes ; en 1881, un autre, à Gessohtngo, laissa 65